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18 octobre 2013 5 18 /10 /octobre /2013 15:06
Hello Ladies (Pilote)

Grand Corps au Cœur Malade

La Note: 4/5

Stephen, un anglais maladroit, est à la recherche de la femme de sa vie à Los Angeles. Charmant à sa façon - c'est en tout cas ce dont il est persuadé - et désespéré, il veut infiltrer le milieu glamour des "belles gueules". Malheureusement pour lui, celles-ci ne veulent pas le laisser entrer...

Après avoir travaillé en binôme pendant plus de dix ans aux côtés de Ricky Gervais avec le succès que l’on sait (The Office et Extras notamment), l’acteur/réalisateur/scénariste/producteur/créateur anglais Stephen Merchant traverse l’Atlantique en solo et atterrit chez HBO pour une nouvelle aventure télévisuelle située à Los Angeles. Une émancipation californienne risquée et pour le moins curieuse mais totalement justifiée dès cet épisode pilote. Car la personnalité, l’aura et le talent redoutable de Gervais ont toujours accaparé des louanges qui méritaient amplement d’être partagées. En s’extrayant de cette relation féconde, mais que l’on imagine un peu étouffante, Merchant peut ainsi, sans le crier sur tous les toits - ni même d’ailleurs sans le vouloir consciemment - remettre en quelque sorte les pendules à l’heure. Non, il n’était pas qu’un sparring-partner et le talent qu’il greffait sur celui de Gervais peut se suffire à lui-même et avoir son existence propre.

Hello Ladies (Pilote)

Cette séparation permet de discerner ce qu’on lui doit. Et là, le cadre a beau être différent et les enjeux un peu moins ambitieux, on reconnait en un clin d’œil, dès le début de la série, une grande partie de ce qui nous avait plu dans ses œuvres précédentes. Le personnage interprété par Merchant est à l’image des David Brent et compagnie : un loser pathétique embarrassant et imbu de lui-même, mais finalement attachant car prisonnier d’une solitude épouvantable. Cet équilibre entre empathie et antipathie est facile à énoncer mais doit être infernal à écrire et à jouer. C’est le génie de Merchant : rire de la bêtise d’un homme qui cherche sa place dans la lumière aveuglante des désirs inaccessibles, et pleurer sur cette cécité qui l’empêche de voir que sa place, elle est juste là, à sa portée.

Hello Ladies (Pilote)

L’humour réside bien sûr dans ce décalage. Trop occupé à vouloir atteindre les étoiles, le personnage de Stuart traîne son entourage dans le caniveau. Avec une maladresse méchante mais inconsciente et presque enfantine. En fait il est coincé entre deux mondes, celui de ses amis et celui du milieu qu’il rêverait de côtoyer. Un pas vers l’un condamne l’autre et vice-versa. L’apparence de Merchant, grand échalas de deux mètres, illustre cette idée d’inconfort mental, social et physique. Sa présence est gênante et la série joue beaucoup là-dessus, surtout dans les scènes de dragues foireuses. La solitude de ce Grand Corps au Cœur Malade a un aspect burlesque. Elle disparaîtra quand Stuart ouvrira les yeux sur une autre solitude, celle qui vit chez lui : sa colocataire. On reconnaît là-aussi, dans le traitement de cette romance naissante, ce qui faisait le charme des histoires d’amour contrariées de The Office et Extras.

Hello Ladies (Pilote)

Pour l’instant, Merchant réussit donc son pari américain avec ses recettes anglaises. Son humour précis gorgé de détails et sa liberté de ton font mouche, tandis que l’humanité complexe de ses personnages largués, dans les deux sens du terme, nous touche. Appliqué à un être de fiction, le terme d’ « humanité » est souvent galvaudé. Pas ici. Chez Merchant on est humain avant tout parce qu’on est lâche, méchant et affreusement con. Con à en rire et à en pleurer. N’est-ce pas la meilleure définition de l’humanité ?

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