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8 avril 2013 1 08 /04 /avril /2013 15:37

 

 

Le cas Hannibal

 

 

La relation étrange entre le célèbre psychiatre Hannibal Lecter et l'un de ses patients, un jeune profiler du FBI nommé Will Graham, torturé par sa fascination dévorante pour les serial killers...

 

 

Comme pour Bates Motel, récente série mettant en scène la jeunesse du tueur hitchcockien de Psychose, on s’interroge  tout d’abord sur la pertinence de développer un personnage déjà usé jusqu’à la corde par des déclinaisons cinématographiques allant du chef d’œuvre essentiel, Le Silence des Agneaux, au petit prequel insipide, Hannibal Lecter : les origines du mal. Ces différentes transpositions des œuvres littéraires de Thomas Harris ont d’ailleurs mis une sacrée pagaille dans la chronologie du personnage et des événements. La série ne va vraisemblablement pas nous aider à y voir plus clair car techniquement il s’agit d’une adaptation qui développe en détails le début de Dragon Rouge, dont l’histoire était déjà un prequel du Silence des Agneaux, mais qui s’intitule Hannibal comme le film situé dix ans après celui de Jonathan Demme. Ajoutez à cela le fait que la série semble se dérouler de nos jours (comme Bates Motel du reste) et vous obtenez un mal de crâne tenace. Allez, j’en rajoute une couche : ça s’appelle Hannibal mais le personnage principal est le flic doté d’une empathie obsessionnelle, Will Graham. Voilà, à table, vous êtes servis !

Cette petite gymnastique temporelle nous ramène d’autant plus à la question qui nous taraude : pourquoi ? Franchement hormis le plaisir, certes cinéphile mais limité, de débusquer au détour d’un plan ou d’un dialogue des références ou clins d’œil aux films, si le psy(chopathe) s’était appelé Jean-Michel Killer au lieu d’Hannibal Lecter, ça n’aurait pas changé grand-chose à l’affaire. Une affaire plutôt réussie d’ailleurs, mais j’en parlerai plus loin. Il me semble qu’à l’instar de Norman Bates (Bates Motel) et de Sherlock Holmes (Elementary), le personnage d’Hannibal Lecter, figure profondément ancrée dans l’inconscient et l’imaginaire du téléspectateur, est utilisé comme une sorte d’argument d’autorité censé attiser une curiosité spontanée et donc de maximiser les chances d’une audience forte dès le pilote. Une fois le téléspectateur ferré, il ne reste plus qu’à l’empêcher de décrocher en lui proposant une recette proche de séries déjà couronnées de succès.  Pour Elementary, j’en ai déjà parlé, c’est Mentalist. Les deux titres se ressemblent comme quand une sous- marque discount veut s’identifier à la grande marque du même produit, et en plus c’est la même chaîne. Pour Bates Motel, c’est plus fort que nous, on a vraiment l’impression de voir un Dexter jeune qui est en train de découvrir et apprivoiser tant bien que mal son Dark Passenger. De plus l’empathie qui nous lie à Dexter, la clé du succès de la série, nous la retrouvons dans l’inaptitude sociale touchante de Norman et surtout dans le fait qu’il va lui aussi « tuer des méchants » (cf. épisode 3). Gageons que les jeunes filles nues et innocentes ne prendront (malheureusement) leur douche fatale qu’à la fin de la série, si fin il y a. Ah oui j’oubliais, si Dexter parle à une vision de son défunt père, Norman, lui, parle à une vision de sa mère…vivante, mais pas dans la même pièce. Et puis ils ont la même coupe de cheveux Playmobil…

Mais revenons à nos agneaux, jusqu’ici passés sous silence. Chez Hannibal, fort heureusement, le menu sent moins le réchauffé grâce à des personnages revisités. Certes, Will Graham peut être vu comme une figure du Mentalist-like, plus consultant que flic, un solitaire doté d’un don d’observation inouïe poussé ici jusqu’à l’incarnation du tueur qu’il poursuit, et ravagé par des démons intérieurs. Certes, Hannibal, psychiatre le jour et serial killer la nuit, participe à l’enquête censée démasquer un tueur qui n’est autre que lui-même, comme Dexter dans la saison du Bay Harbor Butcher. Mais les caractéristiques des personnages, du moins dans ce pilote, semblent plus flottantes, en tous cas moins évidentes. Oui, le consultant consulte mais le rapport entre les deux hommes reste flou et intrigue au plus haut point.  Idem pour l’interprétation. Dans ce pilote, Hugh Dancy sort grand vainqueur du duel face à l’immense Mads Mikkelsen mais on peut parier sur le renversement de cette tendance, lorsque viendra le plat de résistance. Pour l’instant, Mikkelsen joue la carte du mystère (il n’apparaît que 20 minutes qui plus est) mais le potentiel du rôle finira bien par éclater pour qu’il puisse se frotter au grand Chef Anthony Hopkins. On nous rappelle d’ailleurs dans un dialogue malicieux que notre Lecter a suivi sa formation à l’hôpital…Hopkins.

 

Il me faut signaler aussi la mise en scène léchée et aux petits oignons de David Slade. Malgré quelques afféteries pas trop dérangeantes, il a su instaurer une ambiance lugubre et malsaine proche du film de Demme. On se souvient d’ailleurs que Slade avait (un peu) défrayé la chronique avec son premier long-métrage controversé Hardcandy, déjà une histoire ambigüe de loup et d’agneau. Et puisque l’on parle de bêtes, le thème de l’animalité de l’homme, plus que l’anthropophagie, est d’ores et déjà abordé via de stupéfiantes visions de meurtres dans lesquelles la victime et l’animal se mêle physiquement. Enfin, pour l’anecdote (ce n’est pas vraiment un spoiler), le premier tueur cannibale s’appelle Hobbes, comme le philosophe anglais (« l’homme est un loup pour l’homme »). Apparemment, et tant mieux pour nos papilles visuelles, cette série ne manquera ni de chair ni d’esprit.

 

Ma note: 3.8/5

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