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13 mai 2013 1 13 /05 /mai /2013 16:04
Rectify (Pilote)

Enfermé dehors

Après 19 années passées en prison pour viol et meurtre, Daniel Holden est finalement disculpé grâce à des analyses ADN. De retour dans sa ville natale, cet homme, qui n'avait que 18 ans lorsqu'il avait été emprisonné et condamné à mort, tente de se reconstruire une nouvelle vie...

Parfois il suffit d’une scène pour savoir que l’on va suivre avec passion une série. Dans Rectify, nouveauté de Sundance Channel, cette scène existe, elle est dans le pilote et c’est même la toute première. Nous sommes dans un institut pénitencier. Au premier plan, un nouvel arrivant se déshabille entièrement devant un gardien pour la traditionnelle et humiliante fouille. Quelques accords de piano, que l’on jurerait issus d’une Gnossienne perdue, couvrent partiellement les instructions du maton. En arrière-plan un deuxième prisonnier, habillé, regarde la scène puis ferme les yeux. Le maton finit par rejoindre cet homme pour lui donner des vêtements. On comprend qu’il est sur le point d’être libéré. Seulement il lui faut d’abord rendre ses habits de prisonnier. Il commence alors à enlever sa chemise et là, sans un mot, le gardien se retourne pour ne pas le voir nu… En une minute à peine on a assisté à la perte de l’humanité d’un condamné, suivie immédiatement de la restitution illusoire de celle d’un homme remis en liberté. Simplement dans le rapport élémentaire entre le regard et la nudité. Bravo, on applaudit déjà.

Rectify (Pilote)

Cet homme libéré, c’est Daniel Holden, le personnage principal, et malheureusement pour lui, une fois dehors, les regards ne vont pas s’arrêter de vouloir le mettre à nu, y compris au sein même de sa famille recomposée. On recrée d’ailleurs ce puzzle familial grâce aux indices distillés dans les dialogues, parfois un peu lourdement (c’est le seul bémol), et l’on découvre que le retour de l’ancien condamné n’était pas forcément souhaité par tout le monde. Il faut dire que malgré les nouvelles preuves ADN qui l’ont empêché de passer sur la chaise, le mystère reste entier quant aux circonstances du meurtre dont il était accusé. Une nouvelle enquête se met donc en branle tant bien que mal. Chacun a son opinion, souvent tranchée, sur la question et quelques pistes nous sont données avec parcimonie pour nous suggérer que ce mystère sera l’un des attraits de la série.

Rectify (Pilote)

Mais ce ne sera certainement pas le plus important. Les questions les plus brûlantes sont celles concernant la réintégration de Daniel dans le monde extérieur. Comment réapprendre à vivre après 19 ans passés derrière les barreaux à attendre la mort ? Ancien prisonnier d’un temps suspendu, Daniel se retrouve brutalement dans un présent pour l’instant flottant, coincé désormais entre un lourd passé et un futur incertain. La mise en scène, plutôt discrète, joue tout de même brillamment sur ce traquenard temporel en proposant à la fois des plans larges de Daniel devant l’horizon dégagé et des gros plans étouffant son regard perdu. Sans oublier ce plan furtif, mais lourd de sens, de Daniel vu en plongée sans sa chambre familiale comme s’il s’agissait de l’image d’une caméra de surveillance dans une cellule. C’est clair, il est toujours prisonnier.

Rectify (Pilote)

Les flashbacks carcéraux nous aident à comprendre cet « enfermement extérieur ». Ce sont les seuls moments où l’on voit Daniel sourire, être à l’aise et même ressentir des émotions. C’était devenu son seul monde. Sa libération dans l’autre monde le rend paradoxalement pétrifié et incapable d’exprimer quoi que ce soit. Daniel est devenu une anomalie humaine, enfantée par une erreur judiciaire. C’est ici que le titre et les enjeux de la série prennent tout leur sens. Tout comme les erreurs de l’enquête sur le meurtre devront être réparées, l’erreur qu’est devenue Daniel devra être corrigée, rectifiée, pour que sa vie puisse reprendre une trajectoire normale.

La Note : 4.4/5

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