Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
18 avril 2013 4 18 /04 /avril /2013 10:48

 

The never ending series

 

 

Combien de saisons une série doit-elle durer ? A quel moment commence-t-elle à tourner en rond ? Faut-il abandonner une série qui a déjà tout dit et rester sur un goût d’inachevé ou bien se faire violence pour connaître la fin à tout prix ? Autant de questions existentielles et de drames cornéliens pour nous autres, pauvres hères, qui subissons quotidiennement la loi des séries.

 

Vous aussi, vous avez sans doute dans votre ordi des séries qui pourrissent, qui se languissent d’être visionnées. Vous aussi, lorsque vous devez décider du programme de la soirée, vous faites semblant de réfléchir, et pour faire plaisir à ces œuvres autrefois tant aimées, vous passez lentement la souris sur leurs titres avant de vous jeter inexorablement sur « Vikings » et « Revolution », qui devraient arrêter de faire les malignes car le purgatoire n’est jamais bien loin.

  

Hormis les comédies et sitcoms, et selon la Sainte Trinité de mes séries préférées (Six Feet Under, The Wire et Breaking Bad), la bonne durée de vie d’une série est de cinq saisons. Malheureusement, succès oblige, certaines ne respectent pas cet état de fait et n’en finissent plus de finir. En voici quelques unes, anciennes ou récentes.

  

 

 

-X-Files : Trop de mystère tue le mystère. Chris Carter l’avait pourtant juré dans de nombreuses interviews que nous, les boutonneux des années 90, épluchions avec ferveur : « Je sais où je vais, rassurez-vous, vous saurez tout en temps voulu de la conspiration entre le gouvernement américain et les aliens » (in Télé Poche du 1er mars 1996). Malheureusement, à part découvrir avec stupéfaction que l’Homme à la Cigarette était directement responsable des assassinats de JFK et MLK(???!!!), on n’a pas vu grand-chose venir. On a surtout vu Mulder partir, un épisode sur deux, remplacé par le T-1000. J’ai laissé tomber à ce moment-là mais j’ai vu plus tard un extrait du tout dernier épisode, dans lequel l’Homme à la Clopinette (encore lui) semble vivre reclus comme un chaman dans une grotte qu’un vaisseau extra-terrestre vient exploser sans vergogne. Puis on voit Mulder et Scully dans une chambre, exactement comme dans une des premières scènes du pilote de la série où il lui disait croire aux petits hommes verts, sauf qu’il lui annonce cette fois qu’il ferait peut-être mieux de croire en Dieu comme elle. Bref du grand n’importe quoi.

  

 

-Urgences : Se faire faire NFS, Chimi, Iono, les gaz du sang et 2cc de O2 pendant 15 ans, ce n’est plus de l’addiction mais du masochisme. Enorme succès à rallonge, Urgences a logiquement vu ses scénaristes finir aux soins palliatifs, reliés à l’encéphalogramme plat du soap-opera. Pour moi, le point de non-retour fut atteint avec la mort du Dr Green. Simplement parce que l’acteur Anthony Edwards a lâché la série pour se lancer au cinéma (une réussite d’ailleurs, hé hé hé), on se venge en lui filant une tumeur au cerveau, au lieu d’une paisible retraite au bord d’un lac comme son ancien pote le Dr Ross et sa « good wife ». C’est mesquin. Je n’ai jamais regretté de ne pas avoir suivi les dernières saisons, surtout quand j’ai appris l’arrivée de John Stamos de La Fête à la Maison. Avec Stamos dans l’équipe, c’est un coup à voir débarquer au bloc oncle Joey imitant un castor lors d’une opération à cœur ouvert…

  

 

-Grey’s Anatomy : Dans la lignée de la chute d’Urgences. Vous me direz, c’était déjà un soap à la base. Oui mais un soap plutôt malin, drôle, sexy et enlevé. Puis Grey’s a sombré dans les travers de la série de Michael Crichton : tumeur au cerveau, fusillades à gogo, accidents malheureux et la mort de George carrément pompée sur celle du binôme du Dr Carter. Quant à l’horripilant personnage fantôme Denny Duquette, c’est l’un des pires jamais écrit dans une série.

 

 

-Prison Break : Contrairement aux séries précédentes, il n’a pas fallu beaucoup de saisons à Prison Break pour être interminable. Seulement deux. Un vrai tour de force. Un succès planétaire brisé en un rien de temps pour une raison assez facile à comprendre finalement : ils n’auraient pas dû s’évader dès la fin de la première saison. Certes la cavale aurait pu être intéressante. Après tout, les personnages restent prisonniers non plus d’une institution pénitentiaire mais du territoire américain. Sauf que toute la tension, brillamment accumulée au cours du premier acte, s’est faite la malle en même temps que les protagonistes. Quand les scénaristes décident d’enfermer à nouveau tout ce petit monde pour la saison 3, il est déjà trop tard. Le reste n’est qu’idioties et…tumeur au cerveau bien sûr.

 

-Dexter : Oui je sais, on l’aime bien Dexter. Sauf qu’il commence sérieusement à radoter. Tout ce qui était fascinant chez ce personnage, son cheminement intérieur, son incompréhension des sentiments, ses accès de violence compulsive, tout cela s’est dilué au fur et à mesure dans un honnête polar, pour peu que le méchant saisonnier soit réussi. Le plus regrettable, c’est que toutes les facettes de l’histoire sont là pour faire évoluer notre gentil serial killer, pour qu’il se questionne sur sa nature humaine mais il ne le fait jamais tout à fait et finit par se reposer les mêmes questions la saison suivante. Après la mort de Rita, Dexter a sans doute manqué son renouvellement. On aurait aimé qu’il taille la route, comme c’était son intention initiale, au lieu de retourner à son train-train quotidien. Bref, heureusement qu’il y a Debra et surtout heureusement que la prochaine saison sera la dernière !

 

-Californication : Duchovny, deuxième ! Là encore, les qualités indéniables de cette série se sont émoussées au fil du temps. La provoc’ sexe, drogue et rock ‘n’ roll s’est banalisée, la relation contrariée entre Karen et Hank nous indiffère désormais et le schéma reste invariablement le même : chaque saison, Hank doit se relancer en pondant un truc pour une légende du rock (ou, attention variante, du rap), chaque saison il s’engueule avec son ex et sa fille, chaque saison il a l’occasion de changer de vie et chaque saison il replonge. Comme pour Dexter, un tournant a été manqué, après le procès de Hank, lorsque trois ans s’écoulent entre deux saisons. Las, cette ellipse n’a apporté aucun changement chez le personnage qui se traîne douloureusement vers un ultime acte que l’on appelle de tous nos vœux.

 

-Weeds : Pour tout vous dire, c’est Weeds qui est à l’origine de ce petit billet. Impossible de terminer la dernière saison. C’est une véritable torture de lancer un épisode, alors qu’il ne m’en reste que six à regarder. Je ne peux pas non plus compter sur l’appui de ma femme puisqu’elle ressent la même chose que moi. Le plus dingue, c’est que Weeds est sans doute la meilleure série de cette sélection, et si on m’avait dit lors des premières saisons que j’aurais autant de mal à voir la fin, je n’y aurais pas cru. Comment une série qui faisait preuve d’autant de finesse, d’humour, d’intelligence et de liberté de ton à ses débuts, peut-elle susciter autant d’indifférence à l’heure de sa conclusion ? Le début de la fin a sans doute été le départ d’Agrestic. Si les deux saisons suivantes ont été encore à la hauteur, la fuite en avant perpétuelle des personnages a entraîné leur perte, au sens où ils ont perdu leur vitalité fictionnelle, se sont vidés de leur substance, ont abandonné leurs caractères profonds pour ne garder que des caractéristiques superficielles. En fait, ils sont devenus les caricatures des merveilleux personnages qu’ils incarnaient, en grande partie à cause du bégaiement des intrigues qui progressent en pilotage automatique. Nancy est insupportable, Andy souffre du « syndrome Chandler » (il est l’ombre de lui-même depuis qu’il est en couple), Doug ne sert plus à rien, l’acteur qui joue Silas a grandi et, ô surprise, n’est en fait pas un acteur, etc. Bref, alors qu’on aurait dû avoir la gorge qui pique et les yeux rouges (normal pour la fin d’un joint) à l’idée de quitter cette petite troupe, on s’en est allé avant la fin, histoire de voir si l’herbe n’était finalement pas plus verte ailleurs…

 

Partager cet article
Repost0
8 avril 2013 1 08 /04 /avril /2013 15:37

 

 

Le cas Hannibal

 

 

La relation étrange entre le célèbre psychiatre Hannibal Lecter et l'un de ses patients, un jeune profiler du FBI nommé Will Graham, torturé par sa fascination dévorante pour les serial killers...

 

 

Comme pour Bates Motel, récente série mettant en scène la jeunesse du tueur hitchcockien de Psychose, on s’interroge  tout d’abord sur la pertinence de développer un personnage déjà usé jusqu’à la corde par des déclinaisons cinématographiques allant du chef d’œuvre essentiel, Le Silence des Agneaux, au petit prequel insipide, Hannibal Lecter : les origines du mal. Ces différentes transpositions des œuvres littéraires de Thomas Harris ont d’ailleurs mis une sacrée pagaille dans la chronologie du personnage et des événements. La série ne va vraisemblablement pas nous aider à y voir plus clair car techniquement il s’agit d’une adaptation qui développe en détails le début de Dragon Rouge, dont l’histoire était déjà un prequel du Silence des Agneaux, mais qui s’intitule Hannibal comme le film situé dix ans après celui de Jonathan Demme. Ajoutez à cela le fait que la série semble se dérouler de nos jours (comme Bates Motel du reste) et vous obtenez un mal de crâne tenace. Allez, j’en rajoute une couche : ça s’appelle Hannibal mais le personnage principal est le flic doté d’une empathie obsessionnelle, Will Graham. Voilà, à table, vous êtes servis !

Cette petite gymnastique temporelle nous ramène d’autant plus à la question qui nous taraude : pourquoi ? Franchement hormis le plaisir, certes cinéphile mais limité, de débusquer au détour d’un plan ou d’un dialogue des références ou clins d’œil aux films, si le psy(chopathe) s’était appelé Jean-Michel Killer au lieu d’Hannibal Lecter, ça n’aurait pas changé grand-chose à l’affaire. Une affaire plutôt réussie d’ailleurs, mais j’en parlerai plus loin. Il me semble qu’à l’instar de Norman Bates (Bates Motel) et de Sherlock Holmes (Elementary), le personnage d’Hannibal Lecter, figure profondément ancrée dans l’inconscient et l’imaginaire du téléspectateur, est utilisé comme une sorte d’argument d’autorité censé attiser une curiosité spontanée et donc de maximiser les chances d’une audience forte dès le pilote. Une fois le téléspectateur ferré, il ne reste plus qu’à l’empêcher de décrocher en lui proposant une recette proche de séries déjà couronnées de succès.  Pour Elementary, j’en ai déjà parlé, c’est Mentalist. Les deux titres se ressemblent comme quand une sous- marque discount veut s’identifier à la grande marque du même produit, et en plus c’est la même chaîne. Pour Bates Motel, c’est plus fort que nous, on a vraiment l’impression de voir un Dexter jeune qui est en train de découvrir et apprivoiser tant bien que mal son Dark Passenger. De plus l’empathie qui nous lie à Dexter, la clé du succès de la série, nous la retrouvons dans l’inaptitude sociale touchante de Norman et surtout dans le fait qu’il va lui aussi « tuer des méchants » (cf. épisode 3). Gageons que les jeunes filles nues et innocentes ne prendront (malheureusement) leur douche fatale qu’à la fin de la série, si fin il y a. Ah oui j’oubliais, si Dexter parle à une vision de son défunt père, Norman, lui, parle à une vision de sa mère…vivante, mais pas dans la même pièce. Et puis ils ont la même coupe de cheveux Playmobil…

Mais revenons à nos agneaux, jusqu’ici passés sous silence. Chez Hannibal, fort heureusement, le menu sent moins le réchauffé grâce à des personnages revisités. Certes, Will Graham peut être vu comme une figure du Mentalist-like, plus consultant que flic, un solitaire doté d’un don d’observation inouïe poussé ici jusqu’à l’incarnation du tueur qu’il poursuit, et ravagé par des démons intérieurs. Certes, Hannibal, psychiatre le jour et serial killer la nuit, participe à l’enquête censée démasquer un tueur qui n’est autre que lui-même, comme Dexter dans la saison du Bay Harbor Butcher. Mais les caractéristiques des personnages, du moins dans ce pilote, semblent plus flottantes, en tous cas moins évidentes. Oui, le consultant consulte mais le rapport entre les deux hommes reste flou et intrigue au plus haut point.  Idem pour l’interprétation. Dans ce pilote, Hugh Dancy sort grand vainqueur du duel face à l’immense Mads Mikkelsen mais on peut parier sur le renversement de cette tendance, lorsque viendra le plat de résistance. Pour l’instant, Mikkelsen joue la carte du mystère (il n’apparaît que 20 minutes qui plus est) mais le potentiel du rôle finira bien par éclater pour qu’il puisse se frotter au grand Chef Anthony Hopkins. On nous rappelle d’ailleurs dans un dialogue malicieux que notre Lecter a suivi sa formation à l’hôpital…Hopkins.

 

Il me faut signaler aussi la mise en scène léchée et aux petits oignons de David Slade. Malgré quelques afféteries pas trop dérangeantes, il a su instaurer une ambiance lugubre et malsaine proche du film de Demme. On se souvient d’ailleurs que Slade avait (un peu) défrayé la chronique avec son premier long-métrage controversé Hardcandy, déjà une histoire ambigüe de loup et d’agneau. Et puisque l’on parle de bêtes, le thème de l’animalité de l’homme, plus que l’anthropophagie, est d’ores et déjà abordé via de stupéfiantes visions de meurtres dans lesquelles la victime et l’animal se mêle physiquement. Enfin, pour l’anecdote (ce n’est pas vraiment un spoiler), le premier tueur cannibale s’appelle Hobbes, comme le philosophe anglais (« l’homme est un loup pour l’homme »). Apparemment, et tant mieux pour nos papilles visuelles, cette série ne manquera ni de chair ni d’esprit.

 

Ma note: 3.8/5

Partager cet article
Repost0
4 avril 2013 4 04 /04 /avril /2013 16:18

 

Clone triste

 

 

Marginale et orpheline, Sarah est témoin du suicide d'une femme. Après réflexion, elle décide de prendre l'identité de cette dernière, qui lui ressemble étonnamment. Elle découvre qu'elles sont en fait deux clones, que d'autres existent et sont la cible d'un tueur qui tente de les éliminer une à une.

 

Série moyenne d’origine canadienne, Orphan Black pourrait être le clone d’une bonne série : elle en a l’apparence mais pas la profondeur. Du moins pour l’instant. Il faudra encore quelques épisodes pour consolider l’impression plus que mitigée laissée par ce pilote diffusé il y a quelques jours aux Etats-Unis.

 

Pourtant ça partait plutôt bien. La scène inaugurale, sur le quai d’une gare, nous plonge immédiatement dans le vif du sujet. La jolie Sarah (Tatiana Maslany, clone d’Alyson Hannigan de Buffy et How I Met Your Mother) assiste au suicide d’une femme lui ressemblant comme deux gouttes d’eau. La mise en scène, habile, joue sur la symétrie pour introduire le thème du double : Sarah, intriguée par cette femme, s’approche d’elle en zigzaguant de gauche à droite en passant devant des poteaux situés dans l’axe du quai. Malin. Puis la femme saute, Sarah emporte son sac à main et s’enfuit. Voilà une entrée en matière accrocheuse.

 

Orphan Black : photo Tatiana Maslany

 

Malheureusement tout se délite ou presque par la suite. La faute à un récit mené grossièrement sans aucun souci de réalisme. Entendons-nous bien, par réalisme j’entends savoir-faire permettant de rendre crédible une situation, même irréaliste. Toutes les invraisemblances peuvent être crédibles si elles sont traitées avec un tant soit peu de réalisme. Ce n’est pas le cas ici. Sarah découvre sa « nouvelle »  identité et s’en accommode avec une aisance confondante (vous me direz, c’est le thème, mais quand même!), elle parvient à se faire passer pour morte avec l’aide de son complice gay comme un escadron de pinsons, pour échapper à son petit ami dealer de coke qui passe de la colère à la tristesse avec la subtilité d’un bûcheron sous amphèt’. La fuite en avant de Sarah fait se dévider petit à petit ce pilote de sa substance potentiellement intrigante. Tout semble traité par-dessus la jambe et empêche un semblant d’approche psychologique pour des personnages caricaturaux réduits à l’état de pions scénaristiques.

 

Bon tout n’est pas à jeter non plus. Deux scènes amusantes s’extirpent du marasme. Celle où Sarah doit rapidement  trouver un subterfuge pour échapper à un interrogatoire dans un commissariat de police er surtout celle où le petit ami de la suicidée a des doutes sur ladite petite amie (qui est en fait Sarah, vous suivez ?), doutes qui s’évaporent immanquablement quand Sarah lui saute dessus et le chevauche sur la table de la cuisine ! Aaah les hommes…

 

 

Bien entendu cela ne suffit pas et le pilote s’achève carrément dans le ridicule quand Tatiana Maslany tente vainement d’incarner un troisième clone à l’accent allemand aussi indigeste qu’une double ration de choucroute. Pour trouver un équivalent français à cette imitation remarquable, il faut sans doute remonter aux inoubliables interprètes d’officiers allemands dans la trilogie de La 7ème Compagnie.

 

En bref, traits grossiers, humour involontaire, pas assez fun pour distraire, pas assez profond pour se creuser les méninges, Orphan Black manque surtout cruellement d’âme et d’une identité forte. Ce qui ne manque pas de sel pour une série sur des clones…

 

La note: 2/5

Partager cet article
Repost0
2 février 2013 6 02 /02 /février /2013 14:01

Elementary : affiche

 

 

Elementalist

 

Décriées avant même la diffusion du pilote par les amoureux transis du Sherlock de Steven Moffat, les aventures new-yorkaises du célèbre détective et de « sa » partenaire Joan Watson sentent effectivement l’opportunisme à plein nez mais sont, au final, loin d’être désagréables à suivre.

 

Le Pitch: Renvoyé de Londres en raison de son addiction à l'alcool, Sherlock s'installe à Manhattan où son richissime paternel l'oblige à cohabiter avec son pire cauchemar : une personne sobre chargée de veiller sur lui. Ancienne chirurgienne promise à un bel avenir, Joan Watson a perdu un patient et sa licence trois ans plus tôt. Ce nouvel emploi est pour elle une nouvelle façon d'aider les autres, et surtout une pénitence qu'elle s'impose. Quand Sherlock devient consultant pour la police new-yorkaise, Watson n'a d'autre choix que suivre son irascible "client" lors de ses investigations. Très vite, ils réalisent l'un et l'autre les avantages que peut leur apporter un tel partenariat.

 

Mon avis: Voilà une série que l’on aurait adoré détester. En se glissant avec un opportunisme pachydermique dans le sillage du succès de Sherlock, excellent lifting high tech du héros de Conan Doyle avec Steven Moffat au scalpel, Elementary n’allait être, c’est sûr, qu’une mascarade à jeter aux orties. Quand, en plus, on apprit que pour se démarquer de sa cousine anglaise, le rôle du Dr Watson allait être interprété par Lucy Liu, le doute n’était plus permis: le ratage serait total. Tout cela, c’était avant de voir les premières images. Et après les avoir vues, j’ai continué et j’en suis maintenant au douzième épisode. Pourquoi ? Voici une tentative de réponse.

Si les défauts sont effectivement nombreux, au moins sont-ils rapidement identifiables, ce qui permet de les assimiler et de finalement profiter d’un divertissement convenable. Oui, Johnny Lee Miller cabotine et en rajoute dans le côté « nerd fêlé » du détective. Oui, Lucy Liu est une femme et elle nous prive de l’ambiguïté homo Holmes/Watson tout en confortant les anti-mariage gay dans leur illusion surannée qu’un homme et une femme doivent vivre sous le même toit. Oui, les seconds rôles policiers ne sont que des faire-valoir ou, si l’on est plus indulgent, des garde-fous sans saveur qui, comme leurs collègues des autres séries ayant pour personnage principal un « consultant », ne pigent rien ou pas grand-chose aux déductions de ce dernier et ont tendance à remettre inlassablement ses méthodes en question même s’il boucle toutes les affaires à chaque fois. Il serait temps de vérifier comment ils ont bien pu obtenir leurs diplômes d’inspecteur…

Elementary : photo Jonny Lee Miller, Lucy Liu

 

Abordons maintenant la question qui fâche. Elementary est-elle un mauvais remake de Sherlock? La réponse est non. D’une part parce que parler de remake quand on évoque Sherlock Holmes, ça n’a pas de sens, puisqu’il s’agit du personnage de fiction le plus réutilisé, que ce soit à l’écrit ou à l’écran, par des centaines d’auteurs différents. Et d’autre part parce qu’il s’agit avant tout, à mon avis, d’un remake de Mentalist. Alors bien sûr vous me direz de toute façon que tous ces personnages, de Sam Waters (Profiler) à Patrick Jane, en passant par ce bon vieux Dr House (et son pote le Dr Wats…euh pardon Wilson) sont des descendants du pensionnaire du 221B Baker Street. Le job du Sherlock Holmes original est d’ailleurs « détective consultant », terme qui désigne les personnages précédemment cités (quoi, House n’est pas consultant ? mais il consulte voyons !). Tout cela semble évident mais quitte à mettre à dos deux Sherlock modernes, autant le faire avec ceux qui s’opposent vraiment dans un format similaire. Et, en l’occurrence, la série de Robert Doherty fait plus écho à celle de Bruno Heller qu’à celle de Moffat.

Le Sherlock campé par Lee Miller est en effet clairement sexué et possède un magnétisme autant intellectuel que charnel. Il n’est pas rare de le voir torse nu, exposant ainsi à la fois ses muscles et ses tatouages, surtout lorsqu’il vient de passer la nuit à étudier dans les moindres recoins les différences entre deux jumelles prostituées… C’est le côté virilité à l’américaine. Il s’oppose bien ainsi à une version européenne du détective, comme l’ont souligné ses détracteurs, mais pas à celle que l’on pensait. Il s’agit du personnage de Patrick Jane, certes américain, mais créée en puisant dans la vision inconsciente, à la fois caricaturale et réjouissante, que les américains peuvent avoir d’un anglais ou d’un français : boire du thé, rouler en Citroën, porter des costumes trois pièces Pierre Cardin, avoir peur de se battre et être un peu efféminé sur les bords (il se fait d’ailleurs appeler plus souvent Jane que Patrick)… C’est le côté sensualité européenne…à l’américaine!

Elementary : photo Jonny Lee Miller

 

Deux versions différentes mais sur un canevas identique. C’est là qu’apparaît vraiment la probable légère malhonnêteté d’Elementary. Dans Mentalist, les enquêtes ne sont que des prétextes pour que Jane fasse son numéro, aussi savoureux soit-il ; tous les enquêteurs ont un charisme d’huître à part Teresa Lisbon qui joue la mère protectrice tout en étant secrètement amoureuse du personnage ; le tout avec en fil rouge (c’est le cas de le dire) l’histoire personnelle de Jane et du tueur en série Red John. Rappelons au passage que la première aventure de Sherlock Holmes s’appelle « Une étude en rouge » ou « A study in Scarlet » en vo et que les termes « red » ou «  scarlet » apparaissent dans tous les titres des épisodes de Mentalist. Maintenant il suffit de remplacer Jane par le Holmes d’Elementary, Lisbon par Joan Watson, les flics limités et incrédules par les flics limités et incrédules, Red John par Moriarty (ils ont tous les deux tué au moins une personne de l’entourage du héros et restent invisibles), et vous verrez où je veux en venir. Enfin, coïncidence ou clin d’œil délibéré, l’épisode qui suit immédiatement celui de la première mention de Moriarty s’appelle… The Red Team !

 

CQFD, si je suis Elementary c’est parce que c’est une version djeuns et junky du Mentalist dont j’avoue n’avoir raté aucun épisode. La série de Robert Doherty bénéficie en plus de scénaristes pas encore émoussés qui pondent des enquêtes beaucoup plus soignées et tordues que celles de son modèle, à bout de souffle. Espérons que Holmes mettra moins de temps à attraper Moriarty, sinon c’est le spectateur qui verra rouge!

 

 

Partager cet article
Repost0
24 janvier 2013 4 24 /01 /janvier /2013 12:11

Life's Too Short : photo Ricky Gervais, Stephen Merchant, Warwick Davis

 

Petit Gervais

 

 

Les tribulations comico-neurasthéniques d’un Warwick Davies de fiction dans un mockumentaire acide qui en a dérangé plus d’un outre-Manche. La recette éprouvée de Ricky Gervais et Stephen Merchant fonctionne encore mais aurait peut-être tournée à vide sans le talent de l’interprète principal et les réactions/réflexions entraînées par sa prestation kamikaze.

 

Mon avis: Quiconque avait une petite dizaine d’années en 1988, lorsque Willow de Ron Howard est sorti au cinéma, garde un souvenir ému et une tendre affection pour le personnage de Willow Ufgood, interprété par Warwick Davies, acteur « de petite taille », ancien Ewok pour George Lucas dans Le retour du Jedi et récent professeur de magie dans Harry Potter. C’est donc avec un plaisir nostalgique que nous le retrouvons dans le rôle principal de la dernière comédie en date de Ricky Gervais (avant Derek à la fin du mois), d’autant que Davies est à la base du projet. L’auteur et son comparse Stephen Merchant se sont en effet inspirés des anecdotes de l’acteur sur les préjugés, maladresses et parfois malveillances des gens, quand ils sont confrontés à son nanisme, pour créer cette série qui explose allègrement les barrières verbales et physiques du politiquement correct. Dans un refus catégorique de tout angélisme et de tout manichéisme, ils bombardent Davies, comme un nain dans un jeu de quille, dans un monde tordu fait de méchancetés et d’humiliations au sein duquel l’acteur lui-même est une raclure comme les autres. Le message est limpide: appelons un nain un nain, ce sont des êtres humains comme les autres, ils ont donc le droit d’être cons comme tout le monde.

 

  Life's Too Short : photo Helena Bonham Carter, Johnny Depp, Ricky Gervais, Stephen Merchant, Warwick Davis

 

Certains critiques anglais ont trouvé la prestation de Warwick Davies dégradante. Il est vrai qu’il se fait copieusement insulté, se casse la gueule régulièrement, est obligé de porter un costume d’ours pour « faire l’Ewok » dans un mariage et est plongé dans la cuvette des toilettes par un Johnny Depp totalement déjanté. Mais il n’y a rien de dégradant dans ces scènes. Au contraire, il s’agit d’une immense preuve de respect envers les qualités d’acteur et les qualités d’homme de Davies. Quelle libération cela a dû être pour lui de tourner ces scènes et quelle libération pour le téléspectateur de pouvoir en rire avec lui! Le pouvoir de l’humour, même noir, et celui de la provocation, même borderline, sont rassembleurs par opposition à une quelconque diplomatie de façade entre les êtres, dont les formules imposées finissent par diviser et catégoriser. C’est, à mon sens, le credo de la série. Récemment, dans une interview pour son dernier film qui évoque l’esclavage, Quentin Tarantino disait, en substance, que les films délirants de série B issus de la Blaxploitation avait beaucoup plus servi la cause Noire et aidé à débloquer les mentalités que n’importe quelle autre film académique « sérieux » sur la question. Gervais et Merchant épousent cette théorie. Faire exulter le corps et le verbe de Warwick Davies avec un respect irrévérencieux, en bonne intelligence avec tous les participants, fait plus bouger les choses qu’un respect poli unilatéral et creux.

Life's Too Short : photo Ricky Gervais, Warwick Davis

 

Mais ce personnage permet aussi aux auteurs de poursuivre leur réflexion sur la soif inextinguible de succès. A ce titre, Life’s too short pourrait très bien être la fin d’une trilogie évolutive sur la question. Dans The Office, le personnage principal se prend pour un comique de stand up au bureau et va tenter vainement de percer dans le showbiz et d’avoir du succès. Dans l’extra Extras, Andy Millman est déjà acteur et va obtenir ce succès (même contrarié). Quant à la « version tordue » (twisted version dixit Gervais) de Warwick Davies, elle a connu le succès par le passé avant de sombrer lentement dans l’anonymat et disparaître de la mémoire collective. La boucle est bouclée. Qui plus est, la série est un mélange formel des deux précédentes : le mockumentaire de la première associé à l’univers glauque des coulisses du showbiz, peuplé de guests bien allumés, de la deuxième.

D’où cette impression de déjà-vu et de relatif manque d’originalité. On le sait, Gervais ne sait créer qu’un seul type de personnage, celui qui parvient à faire ressentir au téléspectateur à la fois de l’empathie et de l’antipathie (le salaud entouré de plus salauds que lui). Il le reconnait lui-même puisqu’il le fait dire à Johnny Depp, dans une scène de bashing particulièrement drôle. Mais il est quand même difficile de faire la fine bouche puisque, pour le moment, le plaisir est toujours intact. Après tout, pourrait-on reprocher à Louis de Funès de n’avoir créée qu’un seul rôle pour tous ses films ? Ou Woody Allen ? Cela parait absurde. Ajoutons que les stars invitées jouent le jeu de l’autodépréciation avec un enthousiasme jubilatoire et que les seconds rôles sont tous savoureux, du comptable incapable à l’assistante dégénérée qui conseille à Davies de se reconvertir en appât pour pédophiles!  Profitons donc de cette série plus courte que les autres (seulement sept épisodes), à l’instar de son titre et de son interprète, et attendons son final, à la manière du désormais fameux Christmas Special, qui doit avoir lieu cette année.

 

Partager cet article
Repost0
10 janvier 2013 4 10 /01 /janvier /2013 16:00

 

Le coup de la panne

 

Le Pitch: Le monde bascule dans une ère sombre lorsque l'électricité cesse soudainement de fonctionner. Sans technologie moderne, les hôpitaux, les transports et les moyens de communication ne sont plus opérationnels. La population doit réapprendre à vivre... 15 ans plus tard, la vie a repris son cours. Lentement. Sereinement ? Pas vraiment. Aux abords des communautés agricoles qui se sont constituées, le danger rôde. Et la vie d'une jeune femme est bouleversée lorsque la milice locale débarque et tue son père, qui semble être mystérieusement lié au blackout. Ces révélations l'amènent à se mettre en quête de réponses sur le passé, dans l'espoir d'un futur meilleur.

 

Mon avis: Après dix épisodes et avant la reprise prévue dans deux mois, j’ai envie de faire un point sur la nouvelle série « de » J.J. Abrams, Revolution. Je mets des guillemets parce qu’on a tendance à la définir ainsi alors que le véritable showrunner est Eric Kripke, modeste créateur de Supernatural. Ce raccourci, souhaité sans doute par la production, nourrit la paresse médiatique, et celle du spectateur, en proie parfois à certains doutes quant au « qui fait quoi » dans les séries américaines. Une ambiguïté sur le modus operandi créatif qui met à mal notre chère Politique des Auteurs mais je m’étendrai sur ce sujet une autre fois.

 

Peu importe ce que l’on pense de Lost (les ennuyeux épisodes flashback des premières saisons, les incohérences scénaristiques, le salmigondis crypto-religieux, la fin décevante…), le fait est que depuis sa disparition, aucune série ne l’a remplacée dans le cœur du grand public, au sens large, de l’amateur de séries occasionnel au geek ultime capable d’organiser des réunions secrètes dans sa cave avec ses amis imaginaires pour réviser furieusement, à défaut de se pendre avec, la théorie des cordes. Pourquoi diable Revolution réussirait là où d’autres séries fantastiques à gros budget, comme Flashforward et The Event, se sont lamentablement plantées ?

 

Premier élément de réponse : c’est une série qui est taillée pour durer. A partir d’une idée on ne peut plus simple, à savoir la disparition de l’électricité, Kripke a ouvert un champ des possibles hallucinant, une boîte de Pandore scénaristique au potentiel inépuisable. Non pas en s’acharnant à dépeindre les nouveaux modes de vie d’une civilisation privée de courant mais plutôt en réactivant le modèle des séries « itinérantes » dans lesquelles les protagonistes sont toujours en mouvement, que ce soit à pied, à cheval, en voiture ou en vaisseau spatial, avec un objectif plus ou moins précis en tête. La particularité de ces séries est que chaque épisode offre aux personnages une digression picaresque leur permettant de renverser un ordre établi tout en les rapprochant quand même de leur objectif initial. Pour simplifier, c’est une grande aventure parsemée de petites. D’où, a priori, des situations nouvelles à chaque épisode et donc un réservoir à histoires pouvant entretenir l’intérêt du téléspectateur pendant un certain temps. Comme dans Star Trek, Kung Fu, Stargate, voire même Sliders et K2000 ! Tiens, tiens…Star Trek… on devine l’empreinte d’Abrams. Qui plus est, privés d’énergie, les héros de Revolution ne sont pas mieux lotis que les îlotiers de Lost. Sauf que potentiellement, niveau surface à arpenter, y a pas photo.

 

C’est d’ailleurs le deuxième point important : l’aspect ludique de l’entreprise, terriblement excitant. Les personnages, et donc les téléspectateurs, ont tout un monde, voire plusieurs, à (re)découvrir tandis qu’ils se découvrent eux-mêmes. Ce reboot géant, véritable fantasme anarchiste, dessine de nouveaux terrains de jeu, change les règles de ce jeu et inverse les rôles dominants/dominés. La globalisation est morte et enterrée, le monde n’est plus un village mais en revanche chaque village est un monde à part entière ce qui, encore une fois, sied parfaitement au morcèlement épisodique. A chacun de pouvoir se situer sur ce nouvel échiquier, sous peine de disparaître.

 

Ce qui nous amène à l’idée directrice, à mon sens, de cette série, en tous cas de cette première partie de saison. La régression matérielle et technologique n’entraîne pas forcément la régression morale et humaine, sauf chez ceux qui veulent à tout prix « retrouver la lumière ». Paradoxe intéressant : rétablir l’électricité serait synonyme de régression puisque cela ne servirait qu’à réactiver les machines de guerre et prendre le contrôle de la planète. Les vilains méchants de la République Monroe ne sont que des hommes des cavernes modernes à la recherche du feu pour attaquer le voisin. Monroe, soit dit en passant, est à mon avis une référence au Président James Monroe (1758-1831) et à sa doctrine ambigüe qui posa les bases de l’isolationnisme américain, soit un repli sur soi autant qu’un désir de conquête du reste du continent, ce qui colle bien au personnage de Bass. En revanche, les autres protagonistes, qu’ils soient dans le Résistance ou non, semblent s’être adaptés tant bien que mal et ne courent pas après le courant. C’est là où le titre prend son sens, il s’agit bien d’une « re-évolution » et pas d’une régression. L’écran-titre lapidaire le montre bien en faisant apparaître d’abord le mot « evolution » avant de faire clignoter et d’ajouter la lettre « r » devant. Le retour en arrière est donc une forme d’évolution qui met notamment en valeur les capacités d’adaptation des hommes telles que l’habileté, la ruse, le système D et, pour la Résistance, le courage, le panache et l’héroïsme.

 

Voilà pourquoi Revolution a tout du divertissement haut de gamme, en attendant la suite. On prend plaisir à suivre cet « eastern » par opposition au western puisque les personnages vont d’ouest en est, de Chicago à Philadelphie pour être précis (il y en a même un qui veut retourner sur le Vieux Continent !). Plaisir accentué par les divers clins d’œil et références que l’on peut, pour le coup, attribuer à J.J. Abrams. Par exemple, le nom de famille des héros est Matheson (vous reprendrez bien un peu d’onomastique ?). C’est évidemment un hommage à l’auteur de science-fiction Richard Matheson, qui non seulement a écrit des ouvrages sur des mondes post-apocalyptiques comme le fameux Je suis une légende, mais a en plus rédigé des scénarii pour des épisodes de La quatrième dimension et…Star Trek. Si l’évidence de l’hommage ne vous a pas saisi, j’ajoute alors qu’il est l’auteur du scénario, adapté d’une de ses nouvelles, de Duel, le premier film de l’idole absolue d’Abrams, Steven Spielberg… Mais notre ami J.J. est également féru de Star Wars, à tel point qu’il réalisera prochainement l'épisode VII de la saga.  

Ainsi, Revolution est saturée de références à l’univers de George Lucas, à tel point qu’on pourrait la rebaptiser Light Wars. Quelques exemples pêle-mêle : l’effrayant Giancarlo Esposito (Captain Neville) est un bras droit digne de Dark Vador (d’autant que c’était un gentil devenu méchant à cause du pouvoir); le badass cynique Miles Matheson se la joue Han Solo en protégeant un jeune frère et sa sœur (les Skywalker); leur gros pote barbu est un parfait Chewbacca; ils aident une ribambelle d’orphelins qui se battent comme des Ewoks; ajoutez des lasers aux sabres et vous obtenez fort logiquement des combats aux sabres laser; l’usine de Philadelphie fait une parfaite Etoile Noire; lors du duel final du 10ème épisode, « L’Empereur » Monroe propose à Matheson de le rejoindre de son côté qui, même s’il veut la lumière, n’en reste pas moins très obscur...

La victoire relative de la Résistance en cette fin de première partie de saison laisse augurer une réplique violente. Nous attendons désormais avec impatience que la République, à défaut d’Empire, contre-attaque.

Partager cet article
Repost0
18 juin 2012 1 18 /06 /juin /2012 15:58

Boss

 

Le Roi se meurt


 

Créée par Farhad Safinia, « Boss » est sans conteste la série la plus fascinante de cette saison 2011-2012 et sans doute l’une des meilleures de ces dernières années, même si cela demande confirmation car il n’y a pour l’instant que huit épisodes. Mais quels épisodes !

 

L’histoire débute lorsque Tom Kane apprend brutalement qu’il est atteint d’une maladie neurodégénérative, les Corps de Lewi, sorte de mélange entre Alzheimer et Parkinson, qui entraîne rapidement la démence et l’atrophie physique. Au bout de cinq ans c’est plié. Problème pour Kane, je veux dire autre que celui de mourir aussi rapidement et dans des conditions atroces, il est le maire de la troisième ville la plus puissante des Etats-Unis : Chicago. Commence alors, pour le téléspectateur, une plongée sidérante dans les arcanes du pouvoir avec son lot de magouilles, de trahisons, de mensonges, de séductions, de manipulations et autres réjouissances masquées par un art (un abus ?) consommé de la communication. C’est dans ce maelström peu ragoûtant qu’émerge lentement la maladie de Kane, finalement seule trace tangible d’une humanité qui a depuis longtemps laissée sa place à ce que l’on appelle « l’animal politique ». De l’omnipotence à l’impotence, que peut faire un roi qui a attrapé la lèpre ?   

 

La maladie comme point de départ d’une série, ce n’est pas nouveau, et cela a déjà donné lieu à un chef d’œuvre, « Breaking bad ». Mais contrairement au personnage de Walter White, Tom Kane a mal tourné bien avant d’être malade et n’est plus très blanc depuis longtemps. Pour accéder au pouvoir, on devine qu’il a dû faire pas mal de compromis, idéologiques bien sûr, mais aussi familiaux (sa fille junkie rejetée). La pratique de ce pouvoir, et ses sombres coulisses, nous sont dévoilées avec un réalisme glacial et glaçant, sans cynisme ni roublardise - rien n’est souligné ni appuyé - afin que le téléspectateur soit seul juge. Les événements présentés, si « extraordinaires » soient-ils, sont vécus par les personnages de manière tout à fait ordinaire, ce qui est très impressionnant, voire même flippant.Boss

 

« Boss » est une approche de la politique moderne, qui n’a en réalité de moderne que ses aspects technologiques et stratégiques. Gouverner c’est communiquer. Mais une communication a sens unique, du haut vers le bas. L’homme politique n’interroge que des sondages puis abreuve le peuple d’images, de discours et de vraies/fausses rumeurs afin de tourner et retourner l’opinion publique en sa faveur, par le biais des médias et désormais des réseaux sociaux. Pour le reste, la série montre bien que les codes et la hiérarchie politiques s’inspirent toujours de l’archétype féodal. Outre les nombreuses occurrences verbales relatives à la royauté, ainsi que le superbe générique de la série « Satan, your kingdom must come down » de Robert Plant, on peut dire que Tom Kane est le roi de Chicago, qu’il a ses vassaux (les « chefs » de quartier), que des traîtres veulent s’emparer de son trône, que son conseiller principal est comme une éminence grise, qu’il prend sous son aile puis met littéralement à genoux un chevalier blanc dont la pureté et l’honnêteté vont peu à peu s’étioler (le candidat Zajac), sans parler des méthodes violentes, du droit de cuissage, etc. Finalement la seule différence, c’est que ses sujets votent…

 

Le contre-champ de la volonté de puissance sans vergogne de Kane se situe paradoxalement au sein même de ce qui propage cette puissance : les médias. A travers le personnage du journaliste d’investigation intègre qui enquête sur Tom Kane, « Boss » réactualise le cauchemar politique ultime gravé à jamais dans l’inconscient collectif américain (et donc mondial) : le scandale du Watergate (« 24 h chrono » l’avait déjà grossièrement repris avec le personnage du Président Logan) . Il est vrai que Richard Nixon aura au moins légué deux choses importantes au monde de la fiction : son second prénom au personnage de Milhouse dans « Les Simpson » et le scandale du Watergate, véritable mine scénaristique pour les thrillers politiques de ces quarante dernières années. Le journaliste en question veut faire tomber Kane, d’abord en suspectant une possible maladie puis en couvrant un scandale de santé publique étouffé par la Mairie. Un informateur secret va l’y aider. Il y a bien entendu une référence à Deep Throat (« Gorge Profonde », la source anonyme du Washington Post sur le Watergate) mais le pseudonyme de celui de « Boss » est « Rosebud », clin d’œil astucieux au « Citizen Kane » d’Orson Welles, ce qui laisse entendre que la quête du journaliste pourrait se muer en fascination pour le personnage de Kane, fascination qui l’entraînerait à céder lui aussi à certains compromis (cf. fin de la saison)… A noter que ce journaliste, même si c’est pour les besoins de son enquête, est le seul (hormis le candidat Zajac en campagne) à dialoguer réellement avec les « gens de la rue », ce qui souligne le retranchement du pouvoir politique dans le Xanadu/City Hall, uniquement relié au monde par l’intermédiaire d’écrans de télévision.Boss

 

Cette vision à la fois sombre et lucide de l’exercice du pouvoir est déjà une réussite. Mais elle est en plus sublimée par une mise en scène ambitieuse sans être trop ostentatoire, exactement comme le propos de la série. La grâce discrète au lieu de la lourdeur suggestive. Il faut dire que le pilote est réalisé par Gus Van Sant (également co-producteur) et que ses mouvements de caméra éthérés offrent dès le départ un écrin quasi mystique aux trames narratives sur les affres politiques de la ville de Chicago. Et contrairement à d’autres séries bénéficiant d’un grand nom du cinéma pour leur pilote (par exemple « Luck » avec Michael Mann), la qualité de la réalisation ne faiblit dans les épisodes suivants, comme si une charte de mise en scène émise par GVS avait été respectée par les autres réalisateurs au talent plus modeste comme Mario Van Peebles (oui oui le fameux « Sonny Spoon » que Bernard Montiel nous refourguait le samedi après-midi sur TF1 !). Au programme : caméra portée voire flottante, sens aigu du cadre, photo grisâtre classieuse, montage parallèle, plans-séquences ludiques, travellings en plongée « à la De Palma », etc. Et puis il y a une idée visuelle, c’est le cas de le dire, que l’on retrouve, il me semble, dans tous les épisodes comme une sorte de gimmick esthétique : les gros plans sur les yeux des personnages. Cela n’a l’air de rien dit comme ça mais, dans un milieu où le mensonge et le paraître règnent, ces occurrences oculaires sont des échappatoires offrant de rares moments de vérité et d’honnêteté. En partant du principe bien connu que le regard est le reflet de l’âme, alors la vérité de l’œil s’oppose à la maîtrise mensongère du corps. Beaucoup de personnages ont l’air prisonnier de leur corps : les politiques bien sûr qui soignent leur image et règlent leur « body language », mais aussi l’assistante de Kane quasiment figée dans son tailleur, sa femme et son sourire de façade, le candidat Zajak et ses allures de golden boy. Mais quand leurs yeux parlent, tout explose et la vérité éclate… Cela illustre bien l’enjeu auquel doit faire face le Maire Kane. A cause de la maladie, son corps ne pourra bientôt plus mentir et il n’aura plus que ses yeux pour pleurer. La course contre la montre est engagée et tous ses efforts pour corriger son image (les caméras dans son bureau) seront bientôt vains.

 

Cette mise en scène remarquable est soutenue par une BO tout aussi réussie, composée par Brian Reitzell, collaborateur régulier de Sofia Coppola. Comme dans les films de la réalisatrice, on retrouve cet aspect évanescent, en apesanteur, créant ainsi une véritable osmose avec l’esthétique visuelle évoquée plus haut. Il faut souligner également la présence de la musique d’Erik Satie dans chaque épisode (là encore une belle volonté d’homogénéiser l’ensemble), en particulier les « Gnossiennes », qui confèrent à la série une dimension délicatement métaphysique et permet, là aussi, de prendre de la hauteur vis-à-vis du petit jeu de massacre politique.Boss

 

 

Pour finir, je ne dirai rien sur l’interprétation parce qu’elle est parfaite, Kelsey Grammer et Martin Donovan en tête, par contre je voudrais évoquer un parallèle saisissant (du moins je l’ai ressenti comme tel) entre fiction et réalité. Je ne sais pas si c’est parce que j’ai vu le dernier épisode peu de temps après le deuxième tour de notre élection présidentielle… Toujours est-il que le discours de défaite de Nicolas Sarkozy ressemble un peu à celui du candidat vaincu dans la série, surtout dans cette espèce de dignité surjouée, avec même des phrases quasiment similaires (« je veux lui souhaiter bonne chance » en parlant du vainqueur, « je reste à vos côtés mais d’une manière différente », je cite de mémoire). J’exagère sans doute (encore que l’entourage de Sarkozy se soit beaucoup inspiré du modèle américain pour ses différentes campagnes) et il est fort probable que les conseillers de Sarko n’ont pas vu « Boss ». Il n’empêche, cette ressemblance troublante met en valeur la pertinence de la série et prouve que cette dernière colle à la vision désenchantée du monde politique que partage un certain nombre de citoyens, je ne parle pas des extrémistes, mais de ceux qui ont appris à se méfier et à remettre en cause la culture de l’Image et de la Communication.

 

La série est diffusée sur Starz aux Etats-Unis. Pas encore en France...

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0