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29 août 2013 4 29 /08 /août /2013 15:46
Low Winter Sun (Pilote)

Soleil trompeur?

Ivre de vengeance, Frank Agnew, un inspecteur de la police de Détroit, franchit la ligne en tuant un de ses collègues. Maquillé en suicide, le meurtre revient très vite le hanter. Il ignorait que la victime était surveillée par la police des polices. Et cerise sur la gâteau, il découvre que son complice de crime lui a caché bien des choses...

Pour une série, commencer son existence juste après la diffusion de l’épisode de reprise de Breaking Bad est à double tranchant. Certes cela augure une audience confortable, et ce fut le cas, mais cela entraine immanquablement le petit jeu des comparaisons. Après tout, si l’excellente chaîne AMC (Mad Men, The Walking Dead, The Killing…) a pris cette décision c’est qu’elle pensait avoir trouvé, sinon la remplaçante, du moins un palliatif efficace à la disparition prochaine d’une des meilleures séries de tous les temps. Là où Ray Donovan s’en est sorti haut la main face au souffreteux Dexter, Low Winter Sun échoue logiquement mais avec les honneurs.

Low Winter Sun (Pilote)

Si elle échoue, c’est un peu à cause d’AMC et à cause de nous aussi, il faut bien le reconnaître. Du fait de ce « parrainage » de diffusion, il était impossible de ne pas espérer autre chose qu’une nouvelle claque visuelle, un choc psychologique et moral à la hauteur des tourments tortueux de Walter White. Malgré certains rapprochements que l’on peut effectuer (la chute d’un homme, la vie dans le mensonge, l’effacement de la frontière entre le Bien et le Mal…) ce n’est clairement pas le cas pour l’instant. Mais les qualités sont là. Pour en profiter, il suffit de faire abstraction de Breaking Bad et se focaliser sur ce que LWS a à nous dire : pas grand-chose sur le fond, un peu plus sur la forme. Dès son premier plan, sur un hypnotique morceau de The Cave Singers, on sent la volonté de nous proposer un polar atmosphérique et sensoriel, un trip crépusculaire faiblement éclairé par ce bas soleil hivernal, duquel personne ne sortira indemne. C’est noir, très noir. Trop pour être honnête ? Peut-être. Mais cela fonctionne.

Low Winter Sun (Pilote)

La mise en scène, tantôt fébrile, tantôt sûre de ses cadrages implacables, y est pour beaucoup. Elle est signée Ernest Dickerson qui a œuvré sur The Wire et mis en boîte le formidable premier épisode de la 3ème saison de The Walking Dead. L’interprétation également. Mark Strong (déjà présent dans la série originale anglaise) et Lennie James forment un remarquable duo contrarié au bord de l’implosion. On retrouve aussi avec plaisir le suspicieux David Costabile (le Gale de Breaking Bad) et James Ransone alias Ziggy dans The Wire saison 2. La qualité des dialogues est en revanche plus discutable. Trop sérieux, sans une once d’humour même noir, ils semblent directement sortis de l’univers lourdement glauque d’Esprits Criminels, ancien giron de Chris Mundy, le créateur de LWS. « La vie c’est pas que du Noir et du Blanc, c’est un putain de stroboscope! ». D’accord Monsieur, si vous le dites…

Low Winter Sun (Pilote)

Heureusement que Mundy a eu la bonne idée de tourner à Detroit. En ce moment si vous voulez du crépusculaire, c’est the place to be ! Ancienne gloire de l’industrie automobile jusque dans les années 50, Motor City est désormais désertée, rongée par le chômage et, bonne pioche pour la production, très récemment officiellement mise en faillite. Dès lors, le désarroi de Frank colle parfaitement à celui de la ville. Climat poisseux, pluie drue et chiens errants qui bouffent des rats, quoi de mieux pour illustrer le spleen. Certains parleront de voyeurisme et d’opportunisme, d’autres rétorqueront que le tournage de la série crée plus d’une centaine d’emplois à Detroit. Même si elle est hors-champ, voilà peut-être l’interrogation morale la plus passionnante de LWS. A vous de juger. Quoi qu’il en soit, si la série perdure, Detroit y sera pour beaucoup. Il est donc normal qu’elle renvoie l’ascenseur dans ce rapport de symbiose dont la réalité est tout aussi intéressante que la fiction elle-même.

La Note: 3.5/5

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22 juillet 2013 1 22 /07 /juillet /2013 19:34
Orange is the new black (Pilote)

Oranges amères

Un an dans une prison pour femmes de sécurité minimale dans le Connecticut à la rencontre de personnages farfelus mais attachants...

Joyeusement allumée, dégageant d’enivrantes vapeurs comico-toxiques politiquement incorrectes durant plusieurs saisons, Weeds s’est donc éteinte cette année, laissant le téléspectateur exhaler un soupir de soulagement : le cul de joint n’est jamais un très bon moment à passer. Néanmoins, pas le temps de souffler pour sa créatrice, Jenji Kohan, qui est déjà de retour avec Orange is the new black, nouvelle série de 13 épisodes lancés d’une traite par Netflix, avec comme interprètes Taylor Schilling (Mercy Hospital), Jason Biggs (American Pie) et la toujours piquante Laura Prepon (That’70s show). Basée sur l’histoire vraie de Piper Kerman, relatée dans le livre du même nom, la série suit les 15 mois d’emprisonnement d’une femme ayant commis un délit vieux de dix ans. Une Madame-tout-le-monde qui découvre les codes d’un milieu hostile et s’en accommode tant bien que mal, avec en toile de fond une histoire de drogue…

Orange is the new black (Pilote)

Vous l’aurez compris, l’esprit de Weeds n’est pas loin, contrairement à celui d’Oz même si la série référence en matière de prison est citée dans un dialogue. En fait, Orange is the new black pourrait très bien combler l’ellipse carcérale de Nancy Botwin, située entre la saison 6 et la saison 7 de Weeds. Sans surprise, on retrouve ainsi le style cru et sans fard de Kohan qui fait à nouveau des merveilles tout en se mêlant parfaitement au vérisme des situations et des personnages apporté par Piper Kerman. Cela crée un véritable supplément d’âme qui rend passionnant ce début de descente aux enfers. Le téléspectateur se retrouve happé et fasciné par le quotidien peu connu des prisons de femmes. En revanche, avouons-le, ça coince un peu pour les scènes en dehors de la prison, surtout les flashbacks domestiques emprunts d’un sentimentalisme maladroit. On s’ennuie ferme malgré le fait que ces allers-retours entre vie de couple et vie en prison bénéficient de transitions malignes voire brillantes parfois. Est-ce dû à la longueur du format ? Kohan a-t-elle mis de l’eau dans son vin ? Biggs était-il vraiment le meilleur choix ? Difficile de répondre pour le moment.

Orange is the new black (Pilote)

Quoi qu’il en soit, on espère grandement que lors des épisodes suivants l’intrigue se resserre encore plus sur l’univers carcéral afin de développer sans chichi ni fausse pudeur la thématique féministe que l’on commence à discerner dans ce pilote. Elle apparaît dès le générique, un très beau défilé de visages tronqués et de regards de femmes troublés et troublants sur une musique de Regina Spektor au titre délicatement ironique, « You’ve got time ». Bien entendu l’homosexualité prendra une place importante et soulignera peut-être ce joli paradoxe : à l’extérieur, l’expérience gay de Piper est restée « dans le placard »; à l’intérieur, elle pourrait bien en sortir. Réflexion intéressante qui a logiquement séduit Jodie Foster puisqu’elle réalise l’épisode 3. Quant à la figure masculine, il est évident qu’elle n’en sortira pas indemne, quitte à flirter parfois avec les clichés. Mais que l’on se rassure, si Orange is the new black est bien une série de femmes faite par des femmes, elle est tout de même destinée à tout le monde. Après tout, l’émancipation au sein de la prison, si c’est bien de cela qu’il s’agit, est une idée universelle. Ainsi, que vous soyez homme ou femme, et pour finir sur une blague téléphonée, plus vous serez addict à Orange, plus vous vous sentirez free

La Note: 3.5/5

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12 juillet 2013 5 12 /07 /juillet /2013 16:18
Camp (Pilote)

Colo-scopie

Le quotidien d'un camp de vacances, dans lequel les parents décompressent en buvant, pendant que leurs enfants découvrent les bonheurs et les aléas de l'amour. Un lieu de paradis où la nature entre en collision avec la nature humaine...

Créée par Liz Heldens (Mercy Hospital et Deception) et Peter Elkoff, auteur de North Shore : hôtel du Pacifique (!!!), Camp est une récréation estivale, qui se veut politiquement incorrecte. Elle nous présente le quotidien parfois farfelu d’un camp de vacances familial fauché, au bord d’un lac, devant faire face à la concurrence chic du camp voisin, beaucoup plus huppé et condescendant. Nous suivons les histoires de cœur et les drames de plusieurs personnages issus de générations différentes (adultes, ados et enfants). Comme dans Camping Paradis, me direz-vous. Oui, sauf qu’à la place de Laurent Ournac, on a droit à Rachel Griffiths, soit une des bonnes raisons qui peut éventuellement vous donner envie de buller devant ce soap comique légèrement épicé. Faut-il le rappeler, Griffiths interprétait Brenda dans Six Feet Under. Sa relation avec le personnage de Nate est l’une des plus renversantes et l’une des plus complexes jamais écrites. Difficile de se remettre d’un tel rôle. Elle l’a fait, plutôt bien, durant les cinq saisons de Brothers and Sisters. Aujourd’hui, même si on ne l’attendait pas forcément à la tête de cette petite pochade, il faut reconnaître qu’elle nous amuse, et semble s’amuser à jouer Mack, quadra hystérique paumée qui tente de donner un sens à sa vie en dirigeant ce Camp des Petites Loutres fait de bric et de broc.

Mack et son drôle de fils

Mack et son drôle de fils

Dialogues souvent crus, sexe, gags et rock cool à la Vampire Weekend, tous les ingrédients sont réunis pour faire de Camp une feel good série pseudo indépendante. On y croit pendant une demi-heure, on sourit, on éclate de rires deux ou trois fois grâce à quelques personnages, notamment le fils de Mack, petit branleur sympa qui évoque Robert Sheehan dans Misfits. Et puis le pilote s’étiole au fur et à mesure. On se pose d’ailleurs la question de la durée : pourquoi un format de 42 minutes pour une comédie punchy comme celle-ci ? 22 auraient largement suffi. Mais les auteurs avaient malheureusement l’ambition de faire une dramédie dans les règles de l’art. D’où la leucémie, les bons sentiments et les discours gnangnans pour refaire le monde qui viennent polluer le dernier quart d’heure. Les personnages ont beau s’en moquer souvent, les messages lénifiants sont bien là. Dommage. Malgré tout, et au vu du teaser déjanté des prochains épisodes, on jettera quand même un petit coup d’œil à la suite. C’est les vacances et c’est toujours mieux que Foudre ou Cœur Océan!

La Note: 2.5/5

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11 juillet 2013 4 11 /07 /juillet /2013 23:19
The Bridge US (Pilote)

Le Pont des Soupirs

Deux policiers, l'un américain l'autre mexicain, doivent faire équipe lorsqu'un cadavre est découvre à la frontière, sur un pont reliant El Paso et Juarez. Leur mission dès lors : traquer un tueur en série qui opère des deux côtés de la frontière.

Note : ne pouvant pas faire un reset de ma mémoire, cet article s’adresse avant tout à ceux qui, comme moi, ont vu la série originale

Remake du génial polar scandinave Bron/Broen, dont je vous ai parlé récemment, The Bridge assimile bien le concept de la série d’origine, en le transposant à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, mais peine à se singulariser, notamment à cause d’ une écriture manquant cruellement de finesse. Résultat, à l’instar de la première victime, nous sommes coupés en deux. L’idée était peut-être trop parfaite : sonder et mettre en avant les tensions insolubles situées à la frontière mexicaine dans le cadre « divertissant » d’un polar retors. On comprend aisément ce qui a séduit les auteurs et pourquoi ce remake était véritablement pertinent sur le papier. Malheureusement, la mise en œuvre de cette idée fait preuve de peu de subtilité, et cela à presque tous les niveaux.

The Bridge US (Pilote)

Pour être honnête, c’ est en partie dû au fait qu’il y a beaucoup plus de différences (et de différends) entre les USA et le Mexique qu’entre la Suède et le Danemark. Ainsi, là où le pont de Bron/Broen s’apparentait à un trait d’union entre deux lignes parallèles, celui de The Bridge ressemble au point de rencontre de deux perpendiculaires se coupant violemment. La cassure est d’ailleurs dans le titre qui se brise à la lettre « I » à la fin du générique. Si cette opposition est effectivement plus prononcée que dans l’original, ce n’était tout de même pas une raison pour grossir autant les traits. Passons sur la musique, guitare hispanisante d’un côté et gros rock texan de l’autre. En revanche, certaines situations et certains personnages, notamment côté mexicain, sont trop appuyés et trop explicatifs. L’exemple du Capitaine de Police véreux qui joue aux cartes avec des types louches est éloquent. Une scène caricaturale qui introduit, de manière bien malhabile, le thème de la corruption. Idem pour l’immigration et le trafic de drogues. Tous ces thèmes prémâchés nous sont jetés à la figure de manière beaucoup trop rapide et désinvolte. Dès lors, difficile d’imaginer qu’une véritable réflexion sur ces fléaux verra le jour dans les épisodes suivants.

The Bridge US (Pilote)

Autre problème, mais celui-ci était plus prévisible, l’interprétation. Même s’il ne possède pas l’ironie désabusée et séduisante de Kim Bodnia, Demian Bilchir s’en sort plutôt bien dans le rôle du flic mexicain « handicapé » et fatigué. On ne peut pas en dire autant de Diane Kruger. A sa décharge, réinterpréter Saga Noren n’était pas un cadeau. L’originalité du personnage est telle qu’il ne peut appartenir qu’à une actrice, en l’occurrence Sofia Helin. Tous les efforts de Kruger pour tenter de se l’approprier sont vains. On ne voit donc pas un personnage mais une actrice en train d’essayer de jouer ce personnage. C’est rédhibitoire. Qui plus est, il semble que Saga (Sonya dans cette version) ait posé des problèmes aux auteurs puisqu’ils tentent de la « simplifier » dès le pilote. Le téléspectateur mettait du temps à cerner et apprivoiser la Saga originale, ce qui la rendait mystérieuse. Ici, sa pathologie et sa psychologie sont quasiment révélées dès le début (la mort de sa sœur, son attachement à son chef, ses tentatives pour corriger son comportement…)! Comme les thématiques évoquées plus haut, Sonya nous est livrée clefs en main pour flatter notre paresse et éviter que l’on décroche. Quelle tristesse…

The Bridge US (Pilote)

Finissons tout de même sur une note positive: l’atmosphère sombre est globalement bien respectée. La mise en scène du cinéaste mexicain Gerardo Naranjo (auteur de l’étonnant Miss Bala) joue superbement sur l’opposition et les frontières entre ombres et lumières et bénéficie d’une photo remarquable. C’est l’une des raisons, avec la tentation de l’étude comparative, qui pousseront ceux qui connaissent déjà l’intrigue à poursuivre The Bridge. Sautons donc d’un pont à l’autre en attendant de plonger dans Le Tunnel de Canal +…

La Note: 2/5

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5 juillet 2013 5 05 /07 /juillet /2013 15:11
Siberia (Pilote)

Lost Story

Sur le lointain territoire de Toungouska, en Sibérie, 16 candidats de télé-réalité sont expédiés dans cette zone anéantie en 1908 par une énorme explosion, suite à l'impact d'une mystérieuse météorite avec la Terre. Quand l'un des participants est grièvement blessé, et qu'aucune aide n'arrive, l'inquiétude monte d'un cran. D'autant que certains événements ne semblent pas liés au show. Face au danger, les compétiteurs doivent se serrer les coudes pour survivre...

Quoi de plus jouissif que d’imaginer des candidats de téléréalité livrés à eux-mêmes dans un milieu hostile, luttant péniblement pour leur survie face à des menaces aussi bien naturelles que surnaturelles ? Vous en avez rêvé, Siberia l’a presque fait. Presque, car il s’agit bien sûr d’une fiction, d’une fausse émission empruntant malicieusement tous les tics visuels et narratifs des cartons d’audience de type Survivor. Un générique qui ne présente que le prénom des comédiens, une musique guerrière, un montage musclé, une image lisse comme du papier glacé et les fameuses interviews face caméra, véritable fléau de la télévision moderne, dans lesquelles les protagonistes sur-commentent les images jusqu’à la nausée.

Siberia (Pilote)

Il y a, dans ce premier épisode, un aspect parodique indéniable jouant sur un décalage subtil. Ce décalage n’existe presque pas à l’écran (du moins pas dans la première partie de ce pilote) mais s’insinue bel et bien dans la tête du téléspectateur. C’est une sorte de parodie studieuse qui suit à la lettre les règles de ce qu’elle parodie en nous laissant le soin de nous élever au-dessus des images pour y déceler le second degré. Tout juste pousse-t-elle le bouchon un peu loin dans son jeu sur les caricatures sociales et anthropologiques (le vieil aigri baroudeur, le badass solitaire, l’écolo à dreads qui aide le geek à lunettes, les crêpages de chignons, l’intello qui cite ostensiblement Sa Majesté des Mouches etc.). Mais c’est encore une fois de l’ordre du glissement quasi imperceptible. A tel point d’ailleurs, et c’est le revers de la médaille, qu’après avoir souri durant les vingt premières minutes, on commence doucement à s’ennuyer jusqu’à…jusqu’à ce que les choses partent en vrille. Ce grain de sable, cette bifurcation narrative, vient tout faire exploser et semble célébrer la toute puissance fictionnelle. Il me semble alors que la série pose cette question éminemment salvatrice et réjouissante : puisque la Real TV est de plus en plus scénarisée et codifiée, pourquoi ne pas tout simplement laisser la vraie fiction reprendre le dessus ? Et c’est exactement ce qui se produit. L’effet est saisissant même si l’on peut logiquement émettre des doutes sur la capacité à surprendre sur le long terme. Quoi qu’il en soit, cela fonctionne dans ce prologue.

Siberia (Pilote)

Certes, Siberia n’est pas un concept sériel novateur, loin s’en faut. Du film Running Man aux récentes séries Dead Set et The River, les influences sont nombreuses. Mais jamais la fiction ne s’était à ce point inoculée dans un pastiche aussi ressemblant. Tant et si bien que, pour nous Français, la résonnance est terrible si l’on songe au récent mort sur le tournage de Koh Lanta. La boucle est bouclée. La série, avec son jeu de massacre inspiré autant de Lost que de Dix Petits Nègres, semble nous inviter à nous extirper de cette médiocrité visuelle et brûler une bonne fois pour toutes cette « réalité » sur l’autel de la fiction. Autrement dit, si Nabilla vous brouille l’écoute avec ses expressions téléphonées, il y a fort à parier que vous ne décrocherez pas de Siberia.

La Note: 3.5/5

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1 juillet 2013 1 01 /07 /juillet /2013 14:48
Ray Donovan (Pilote)

Hollywood Babylone

Un spécialiste des litiges les plus compliqués, controversés et confidentiels des familles les plus aisées de Los Angeles, a bien du mal à régler ses problèmes à lui, bien souvent d'ordre familial...

Il faut toujours se méfier des raccourcis et des comparaisons hâtives. La grande tendance concernant la série Ray Donovan est d’en faire un vulgaire pendant masculin de Scandal. Certes, tout comme Olivia Pope l’héroïne de Shonda Rhymes, Donovan est un fixer payé pour régler les problèmes de personnalités influentes tout en gérant tant bien que mal (plutôt mal que bien d’ailleurs) ses fêlures intimes. La ressemblance s’arrête là. D’une part, la liberté artistique n’est pas la même puisque nous sommes sur le câble (Showtime) tandis que Scandal officie sur le network ABC. D’autre part, là où la série de la créatrice de Grey’s Anatomy masque sa superficialité par une débauche d’effets rythmiques (montage syncopé, dialogues speedés), celle d’Ann Biderman (Southland, tout de même) prend son temps pour instaurer un climat étrange propice au développement en profondeur de personnages aux prises avec une histoire familiale intrigante dès le pilote.

Ray Donovan (Pilote)

Ce n’est pas un hasard si Showtime lance la série le soir de l’ultime reprise de Dexter. A l’instar de ce dernier, Donovan fait montre d’une schizophrénie, sinon maladive, du moins comportemental dans son rapport à son job et à sa famille. Au boulot, contrairement à Ray Domenech, Ray Donovan sait se faire respecter par son équipe et fournit un travail aussi impressionnant qu’efficace pour sauver les stars hollywoodiennes de situations désespérées. A la maison, c’est une autre histoire. Difficile pour lui de réparer un mariage qui se brise petit à petit et des frangins cassés, au propre comme au figuré. Sans compter qu’il va devoir composer avec la sortie de prison de son père, personnage violent et fascinant à l’origine des nombreux maux familiaux. L’esthétique et le ton de ce pilote épousent habilement cette schizophrénie en imposant un rythme cynique à la partie boulot et en détaillant avec une mélancolie diffuse la partie domestique. A l’arrivée, on assiste à un curieux mélange entre chronique famille/mafia tendance Parrain et polar bleuté sur les dessous crasseux d’Hollywood tendance L.A. Condifential. Pas étonnant de retrouver Allen Coulter aux commandes de ce pilote, lui qui réalisa de nombreux épisodes des Soprano ainsi qu’un long-métrage intitulé Hollywoodland, fortement inspiré par l’univers de James Ellroy. Il était donc le mieux placé pour poser les bases de cette opposition entre deux facettes génériques que l’on retrouve également dans la musique, quand le hip-hop West Coast « bling-bling » répond aux suaves trompettes jazzy.

Ray Donovan (Pilote)

Située de nos jours, la série excelle à raviver la nostalgie poisseuse du côté obscur de l’usine à rêves, composée d’histoires glauques et tragiques, et dont la figure symbolique est bien sûr Marylin Monroe. C’est elle qui nous fait prendre conscience de l’instabilité de notre héros, prisonnier de sentiments contradictoires dévastateurs à l’égard de sa clientèle, lorsqu’elle apparaît devant lui et lui dit coup sur coup « Baise moi »/ « Sauve moi ». Personnage assuré et monolithique en apparence, Donovan souffre en réalité d’un manque de repères flagrant. Nul doute que l’affrontement prometteur avec son père règlera ses lacunes existentielles. C’est d’autant plus prometteur que Liev Schreiber et Jon Voight sont épatants. Le premier incarne un Ray flegmatique faisant passer ses émotions dans les traits fins et délicats d’un visage pourtant empâté. Le second semble saisir l’occasion de redevenir enfin un immense acteur (Macadam Cowboy, Runaway Train) après n’avoir été que le père d’Angelina Jolie ces dernières années. Le toujours impeccable Eddie Marsan, en frère parkinsonien touchant, complète ce casting trois étoiles.

Ray Donovan (Pilote)

Si la série parvient à maintenir son cap, à respecter son équilibre, à soigner ses différents aspects et si elle ne sombre pas dans le cabotinage stérile et la psychologie de pacotille, alors elle pourrait bien devenir un must estival inespéré. C’est tout le mal qu’on lui souhaite. Pour conclure, et en guise de complément de lecture, je ne saurais trop vous conseiller de vous procurer la récente réédition, aux éditions Tristram, du livre culte du cinéaste underground Kenneth Anger, Hollywood Babylone, dans lequel il retrace les affaires de meurtres et de mœurs qui ébranlèrent la Mecque du Cinéma malgré l’intervention des nombreux Ray Donovan de l’époque pour les étouffer.

La Note: 3.5/5

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28 juin 2013 5 28 /06 /juin /2013 22:11
Crossing Lines (Pilote)

Eurovision

Une unité d’élite composée des meilleurs spécialistes européens est formée pour traquer les criminels les plus dangereux. Grâce à une disposition particulière du tribunal pénal international, ils ont le pouvoir d’appréhender les criminels partout en Europe et de les présenter à la justice.

Grande première : une série franco-américaine coproduite par NBC et TF1! Malheureusement ce sera peut-être la dernière vu l’audience catastrophique outre-Atlantique. Le fait que ce pilote, et a fortiori la série, se déroule uniquement dans des villes européennes est une première explication du désintérêt de nos amis américains. La seconde est tout aussi valable: c’est très mauvais et ça ne fonctionne pas. On a la sensation que pour tempérer l’audace de ce rapprochement international, les producteurs ont choisi de jouer la sécurité en proposant un polar sombre classique, reposant sur un canevas ayant déjà fait ses preuves. Dès lors, il n’est pas étonnant de retrouver aux manettes le créateur du spin off d’Esprits Criminels, série plébiscitée par les téléspectateurs de la première chaîne, soit dit en passant. Après tout, pourquoi pas ? Le problème c’est que l’on n’y croit pas un seul instant.

Crossing Lines (Pilote)

Avouons-le, l’idée de présenter l’Europe comme des « Etats-Unis », par le biais d’enquêtes policières qui dépassent les frontières, est intéressante. Ce qui l’est beaucoup moins, c’est de mettre en scène une cellule parallèle composée de super flics de chaque pays (ou presque) pour mener ces mêmes enquêtes. Surtout quand ces personnages représentent leurs mères patries de manière trop flagrante (l’italienne est spécialiste de la mafia, l’irlandais des armes et explosifs…). Pour ne rien arranger, le scénario de ce pilote frôle l’indigence et ne sert qu’à justifier l’existence de nos euro-flics en vadrouille. C’est quand même un sacré coup de bol que leur premier serial killer s’amuse à trucider des jeunes femmes dans toute les grandes capitales européennes! Mais ce n’est pas tout. La lourdeur des dialogues insipides et la musique horripilante, signée sans doute par un mauvais fan hardcore du Bernard Hermann de Psychose, nous plonge dans les redoutables abysses du pensum pompeux. Côté investigation, c’est un désastre: non seulement le déploiement d’outils estampillés Experts est ridicule mais en plus il ne sert à rien puisque, comme l’avoue bêtement l’un des protagonistes, « il faut nous en remettre désormais au meilleur ami du flic : la chance »!

Crossing Lines (Pilote)

J’aimerais vous dire que les interprètes parviennent à sauver les meubles mais là non plus, pas de miracle. Notre fine équipe n’est composée que de personnages faiblards et antipathiques. William Fichtner (Prison Break saison 2) en fait des tonnes dans le rôle de l’ancien flic blessé revenu du placard, avec sa voix off à la Mike Hammer. Il faut le voir se coller des patchs de morphine, tremblant comme un lapin qui tente de traverser l’A86 aux heures de pointe. Avec son allure de vieillard malade, Donald Sutherland vient gentiment cachetonner pour payer ses cachetons. Quant au tueur, qui parle à sa mère morte bien entendu, il est joué par un acteur qui est à la sobriété ce que Rocco Siffredi est au romantisme. Les autres sont inconséquents et disparaissent très vite de la mémoire. Je finis rapidement par Marc Lavoine (oui oui Marc Lavoine) qui est de loin celui qui s’en sort le mieux dans son rôle de leader torturé. Mais problème là aussi : apparemment son accent était tellement mauvais qu’il a été doublé par un homme parlant anglais avec un accent russe ! De quoi devenir eurosceptique…

La Note: 0.5/5

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28 juin 2013 5 28 /06 /juin /2013 10:25
Under the Dome (Pilote)

L'allégorie du Poisson Rouge

Les habitants d’une petite communauté se réveillent un matin, coupés du monde et piégés dans la ville à cause d’un immense dôme transparent. Certains tenteront, de manière dissimulée, de tirer profit de cette situation inquiétante et inexpliquée, afin de prendre le pouvoir. Mais une résistance va s’organiser autour d'un vétéran de la guerre en Irak, pour empêcher ces personnes malveillantes de parvenir à leur fin.

Annoncée comme le poids lourd sériel de l’été, Under the Dome avait mis toutes les chances de son côté pour truster les audiences. Créée par le scénariste d’une poignée d’épisodes de Lost, l’une des séries les plus connues au monde; coproduite par Steven Spielberg, cinéaste le plus connu au monde ; réalisée (du moins le pilote) par Niels Arden Oplev, metteur en scène de Millenium d’après le best-seller le plus connu au monde ; et adaptée d’un roman de Stephen King, l’écrivain le plus…ok je crois que vous avez compris. Spectaculaire, intrigante et suffisamment prometteuse, la série n’a d’ailleurs pas raté son entrée puisque c’est déjà un carton outre-Atlantique. M6 peut se frotter les mains. La chaîne historiquement fidèle à King (elle a diffusé tous les looooongs téléfilms issus des romans de l’auteur) a d’ores et déjà acquis les droits. Avons-nous pour autant affaire à une bonne série ? Pour le moment, le « oui » l’emporte timidement. Explications.

Under the Dome (Pilote)

Des personnages isolés de force, obligés de s’unir face à une menace invisible malgré des histoires personnelles et des motivations singulières, cela ne vous rappelle rien ? Un beau gosse blond hors-la-loi et un chauve qui se prend pour un leader charismatique (la preuve, il lit une biographie de Churchill!), non plus ? Vous l’aurez compris, la série nage dans les eaux tranquilles des côtes balisées de l’île de Lost. Nul doute que les salmigondis religieux sur le châtiment divin et la rédemption vont pleuvoir à l’intérieur du dôme pour compléter le tableau. Cela ne veut pas dire que ce pilote est désagréable à suivre. Les différents arcs narratifs se mettent en place de manière fluide et la tension consécutive à cet événement hors du commun est savamment dosée et nous tient en haleine. De même, les personnages et leurs secrets parviennent à nous captiver un minimum grâce notamment à leurs interprètes, Mike Vogel et Dean Norris en tête. Le premier volait récemment la vedette à Freddie Highmore dans Bates Motel et le second, faut-il le préciser, campe magistralement le beau-frère de Walter White dans Breaking Bad. Tout juste pouvons-nous regretter les liens grossiers et artificiels qui lient tous ces personnages entre eux. Mais cela changera quand David Simon sera aux manettes d’un blockbuster…c’est-à-dire jamais.

Under the Dome (Pilote)

En réalité, ce qui fait à la fois la force et la faiblesse d’Under the Dome, c’est sa propension à s’inscrire dans la lignée d’œuvres typiquement américaines empreintes du sempiternel thème de l’isolationnisme (cf. Lost, Last Resort, Revolution etc.). Les américains n’ont besoin de personne, y compris pour se faire du mal. Ainsi, une fois de plus, on assiste à une sorte de masochisme nombriliste dans lequel des personnages sont enfermés sur eux-mêmes, au propre comme au figuré, obligés d’affronter l’Autre mais aussi leurs propres démons, pour finalement prouver qu’ils peuvent s’en sortir tout seul. Il y a bien évidemment un aspect « Loi du plus fort » (le fameux Survival of the fittest) doublé d’une concession aux expérimentations rances de Real TV, sans doute préalablement digérées en son temps par King. Une curieuse allégorie nous est d’ailleurs offerte dans un des dialogues, arguant que des poissons rouges dans un bocal finissent par bouffer les mourants pour survivre. CQFD. Le dôme est un bocal à l’envers et l’Homme devient un poisson rouge pour l’Homme, sans doute parce que sa mémoire de la civilisation est plus prompte à s’estomper dans l’adversité. C’est une thématique toujours intéressante et il y a fort à parier qu’elle donnera lieu à des conflits épiques entre azimutés du bocal. Profitons donc de cet honnête divertissement, amusons-nous à développer les traditionnelles théories (le dôme comme bulle spéculative), mais ne soyons pas dupes, on reste tout de même dans le domaine du radotage. Ceci dit, et pour conclure, mieux vaut une série qui bégaie qu’une série qui n’a rien à dire.

La Note: 3.5/5

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26 juin 2013 3 26 /06 /juin /2013 17:46
Devious Maids (Pilote)

Maid in USA

Quatre femmes de ménage d'origine latine travaillent pour de riches familles au coeur de luxueuses villas de Beverly Hills. Lorsque l'une de leurs amies est tuée dans des circonstances mystérieuses, elles s'interrogent sur leurs rêves et leurs espoirs déçus, sur leurs patrons, tous plus névrosés les uns que les autres, et sur leur avenir...

Non, ces Soubrettes Sournoises n’ont rien à voir avec un quelconque film porno latino. Il s’agit, réjouissez-vous Mesdames et maudissez le sort Messieurs, de la nouvelle série de Marc Cherry, le créateur de feu Desperate Housewives. Si l’on considère que les œuvres d’un véritable auteur sont identifiables sans que son nom ne soit mentionné, alors Cherry en est assurément un. Un milieu aisé, des couleurs criardes, une morte, quatre amies voisines, des mystères à la pelle et un humour volontiers caricatural. Loin de toute tentative de défrichage, malgré un léger glissement, nous sommes en terrain connu. Le glissement en question reposant sur un simple changement de perspective : les femmes de maison sont devenues des femmes de ménage. Nous allons suivre ces femmes qui observaient dans l’ombre celles que nous suivions dans Desperate Housewives. Ce nouveau point de vue est d’ailleurs souligné par la ressemblance frappante entre l’actrice Rebecca Wisocky qui campe une riche rigide et Marcia Cross qui jouait Bree Van de Kamp, comme s’il s’agissait d’un personnage pivot entre les deux séries. Pour le reste, la figure masculine en prend toujours un coup et les histoires seront a priori toujours aussi drôles qu’improbables. Ce qui n’est pas forcément désagréable.

Devious Maids (Pilote)

Mais le problème majeur de Devious Maids réside dans son manque d’ambition suspect. Il est trop criant pour que l’on n’y décèle pas la volonté de délivrer une sorte de palliatif paresseux aux millions de fans inconsolables de son aînée. Certes, cette décalcomanie fait mouche à certains moments, grâce au charme pétillant des actrices et à leurs interactions plutôt réussie, mais elle échoue à d’autres, notamment à cause d’un ton général déplaisant composé d’un humour noir convenu et d’une ironie forcée. Résultat: l’ennui risque de poindre plus rapidement que pour Desperate. Est-ce pour cette raison que le pilote a été confié à Paul McGuigan? Peut-être. En tous cas, la mise en scène virevoltante du réalisateur parkinsonien de Slevin, Push, du pilote de Scandal et de la majorité des Sherlock, aide à passer le temps entre deux sourires. Mais cela ne suffira sans doute pas sur la durée.

Devious Maids (Pilote)

Revenons pour finir sur la polémique entourant la série outre-Atlantique. Certains y ont vu un traitement caricatural des latinas. A mon avis elle n’a pas lieu d’être car TOUS les personnages sont de joyeuses caricatures, c’est la marque de fabrique de Cherry. On peut même dire que les employées sont mieux lotis que leurs employeurs puisque ces derniers sont égoïstes, hystériques et névrosées pour les femmes; veules, vicelards et idiots pour les hommes. A l’inverse, les maids sont joyeuses, sensibles, talentueuses et intelligentes. Il y a d’ailleurs un clin d’œil qui appuie cette opposition favorable aux latinas et qui préfigure sans doute la suite de la série : avant de mourir dans la scène inaugurale, la servante glisse un mot dans un livre intitulé The Peasant and the Devil (Le Paysan et le Diable, des frères Grimm). Or dans cette histoire, un paysan rusé parvient à duper un démon oisif en lui volant ses richesses…

La Note: 2.5/5

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24 juin 2013 1 24 /06 /juin /2013 16:51
Bron/Broen (Saison 1)

Crossing the bridge

A la frontière entre la Suède et le Danemark, au beau milieu d'un pont, est retrouvé le corps d'une femme, vraisemblablement assassinée. Les polices suédoises et danoises sont alors dépêchées sur les lieux. Mais l'affaire prend une tournure particulièrement glauque et étonnante lorsque les enquêteurs découvrent qu'il ne s'agit pas d'un seul mais de deux cadavres, coupés en deux à la taille, qui ont été assemblés pour n'en faire qu'un...

Pourquoi vous parler de Bron/Broen, série suédo-danoise (ou dano-suédoise) datant de 2011? Parce que c’est l’un des meilleurs polars de ces dernières années, que les séries scandinaves ont le vent en poupe (Real Humans, Borgen, The Killing…) et qu’il n’y a pas moins de deux remakes prévus dans les prochains mois, The Bridge (US) sur FX et Le Tunnel sur Canal+. Alors, pour vous convaincre de plonger dans les langues nordiques (School ofen struh ?), voici cinq bonnes raisons de ne pas attendre qu’Arte diffuse la série après le succès de ses resucées.

1-Suède/Danemark : si loin si proche

Si comme moi vous pensiez que le Danemark était une extension des Pays-Bas beaucoup plus proche de la Norvège que de la Suède, Bron/Broen va vous aider à y voir plus clair. Le fameux pont au-dessus de la Mer Baltique, élément central et véritable axe de symétrie de l’intrigue, vous forcera à jeter un coup d’œil sur Google Maps pour vous rendre compte qu’il permet de relier Copenhague (Danemark) à Malmö (Suède) en seulement quarante minutes en train ou en voiture (intéressant non?). D’où la collaboration policière et les nombreux allers-retours entre les deux pays. De même, vous découvrirez que les deux langues se ressemblent beaucoup, comme l’indique le titre (Bron et Broen signifient Pont dans les deux dialectes scandinaves). Or l’un des points forts de la série réside justement dans le contraste saisissant entre cette proximité géographique et linguistique et les différences socioculturelles entre les deux pays. En gros, les Danois sont fainéants, négligés et truqueurs tandis que les Suédois sont travailleurs, efficaces et intègres. Cette guéguerre de voisinage classique, reposant sur des poncifs et préjugés folkloriques, sert de contre-point humoristique idéal à cette enquête particulièrement glauque et nous rappelle le personnage du médecin suédois de la série culte de Lars Von Trier, L’Hôpital et ses fantômes, obligé de travailler à Copenhague, et qui monte régulièrement sur le toit de l’hôpital pour apercevoir les côtes de son pays chéri et hurler au ciel « Danois de merde! ».

Bron/Broen (Saison 1)

2-Un puzzle géant

Pour les téléspectateurs étrangers que nous sommes, la série s’apparente tout d’abord à un puzzle géographique. Il faut faire un petit effort dans les premiers épisodes pour distinguer les scènes danoises des scènes suédoises et remettre les différents personnages dans les bonnes cases, de part et d’autre du pont. Le montage, abrupte et sans transition, ne nous y aide pas et c’est tant mieux. Puis la figure du puzzle contamine rapidement le récit. Les personnages et les situations relatives à chacun sont autant de pièces que les deux enquêteurs devront agencer correctement pour avoir le tableau final et démasquer son auteur. Jusqu’ici rien de nouveau, c’est le b.a.-ba de tout bon polar. L’originalité, à mon sens, vient du fait que l’on fournit au téléspectateur une nouvelle pièce par épisode (il s’agit souvent d’un nouveau personnage), pièce qui ne s’insèrera dans l’enquête que dans le ou les épisodes suivants. Pour résumer, nous avons toujours un train de retard sur le tueur mais presque toujours un d’avance sur les flics. Cette différence de niveau est ludique et très stimulante. Nous ne sommes jamais passifs.

3-Un serial killer moralisateur

On retrouve chez le tueur en série de Bron/Broen la figure du serial killer « à la Seven », pour notre plus grand plaisir. Il y a d’ailleurs plusieurs scènes, et pas des moindres, qui font écho au célèbre film de David Fincher mais que je tairai ici pour ne pas gâcher le vôtre, de plaisir. On peut en revanche évoquer la réciprocité flagrante de la motivation des deux tueurs en question: le meurtre comme mise en scène de la faillite morale de l’homme contemporain. Si dans le film, John Doe créait une sorte d’œuvre pieuse symbolique isolée mais censée rester dans l’Histoire, le meurtrier de la série profite au contraire de l’immédiateté des moyens de communication (journalistes, réseaux sociaux) pour devenir, peut-être malgré lui, une sorte de justicier moderne auprès de l’opinion publique. Une sorte d’Anonymous, altermondialiste, anticapitaliste qui dit tout haut etc. Vous connaissez cette rengaine qui, dans la bouche fétide de certains, a des relents nauséabonds. Mais dans les deux cas, ce souhait d’un retour à l’ordre moral reste illusoire. Il s’appuie sur les faiblesses naturelles de l’homme – la majorité des personnages, comme nous tous, est coupable de quelque chose – et ne fait que pointer au final la propre faiblesse du tueur (égoïsme, jalousie..Envie). C’est là que ces deux cousins de fiction se rejoignent à nouveau.

Générique de la série (très belle musique au passage)

4-Un couple de flics attachant

Pour faire un bon polar, il faut aussi des personnages principaux atypiques et attachants. Le duo d’enquêteurs de Bron/Broen est formidable. Bien entendu tout les oppose, selon le principe symétrique évoqué plus haut. Lui est un flic danois fatigué, quadra désabusé n’hésitant pas à enfreindre les règles. Sa douleur aigüe à l’entrejambe, consécutive à une récente vasectomie, l’inscrit de manière drôle et originale dans la lignée des grands flics physiquement diminués, de Jack Nicholson et son nez fendu dans Chinatown à Brad Pitt et son bras plâtré dans…Seven, en passant par Frances McDormand et sa grossesse dans Fargo. Son interprète, Kim Bodnia, déjà génial dans le premier (et meilleur des trois) Pusher de Nicolas Winding Refn, dégage une sorte de fragilité bourrue grâce à son corps massif adouci par un regard d’une profonde humanité et son phrasé laconique souvent ponctué d’un bref rire sardonique impressionnant. Face à ce personnage « castré », on retrouve évidemment une femme forte. Sofia Helin joue ainsi une enquêtrice suédoise surdouée, ultra réglo, très efficace mais souffrant d’un manque d’empathie depuis la mort de sa sœur. Ne ressentant aucune émotion et prenant tout au pied de la lettre, elle devient alors l’archétype de l’être humain souhaité par le tueur, à savoir une sorte d’hubot docile sorti de Real Humans. Son innocence et sa pureté sont le résultat de son manque d’humanité. Très belle idée parfaitement exploitée. La collaboration entre les deux flics, d’abord incongrue et drôle, évoluera de manière fine et magistrale vers une amitié touchante.

5-Un concept universel

Vous l’aurez compris, les qualités de cette série ne se limitent pas à son intrigue, aussi brillante soit-elle. Elles dépassent même son cadre géographique. Le concept de l’entraide policière entre deux pays voisins peut facilement s’exporter. De même que le choc des cultures, l’immoralité et les inégalités des sociétés en question et donc les crimes symboliques du tueur. Après tout, il n’y a pas qu’au Royaume du Danemark que l’on trouve quelque chose de pourri. Tout l’enjeu pour les remakes sera bien sûr de transposer ces thèmes selon les préoccupations sociétales des deux pays choisis, sans que cela ne verse dans la caricature. Pour la version US, entre les Etats-Unis (Texas) et le Mexique, on devine que l’immigration et le trafic de drogue seront mis en avant. Pour la version Canal, a priori entre Londres et Paris (le pont devient tunnel), on suppose une opposition culturelle s’appuyant sur l’éternel bashing entre la France et l’Angleterre. Quoi qu’il en soit, la richesse du concept devrait nous permettre de profiter des remakes même en connaissant une grande partie de l’intrigue. Sauf si on se fiche de nous et que tout est raté de A à Z. Mais en tous cas le potentiel est là. Conclusion : vous pouvez regarder Bron/Broen en toute tranquillité, cela ne vous gâchera pas les remakes. En théorie. Si c’est le cas, ou si ces derniers sont vraiment mauvais, vous pourrez toujours jouer les snobs en disant que vous préfériez la version originale et attendrez avec impatience sa saison 2 prévue cette année.

La Note: 4.5/5

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